Dimanche 1 août – 6e dimanche après la Pentecôte (pas d’office)

Dimanche 1 août 2021.

(19 juillet selon l’ancien calendrier.)

6e dimanche après la Pentecôte.

(Attention : pas de célébrations ce weekend en l’église St-Nicolas. )

 

Péricopes de ce dimanche

Lecture de l’épître de saint Paul aux Romains (du jour : Rom. 12, 6-14) :

Frères, puisque nous avons des dons différents, selon la grâce qui nous a été accordée, que celui qui a le don de prophétie l’exerce selon l’analogie de la foi ; que celui qui est appelé au ministère s’attache à son ministère ; que celui qui enseigne s’attache à son enseignement, et celui qui exhorte à l’exhortation. Que celui qui donne le fasse sans calcul ; que celui qui préside le fasse avec zèle ; que celui qui pratique la miséricorde le fasse avec joie. Que la charité soit sans hypocrisie. Ayez le mal en horreur ; attachez-vous fortement au bien. Par amour fraternel, soyez pleins d’affection les uns pour les autres ; par honneur, usez de prévenances réciproques. Ayez du zèle, et non de la paresse. Soyez fervents d’esprit. Servez le Seigneur. Réjouissez-vous dans les temps d’espérance. Soyez patients dans l’affliction. Persévérez dans la prière. Pourvoyez aux besoins des saints. Exercez l’hospitalité. Bénissez ceux qui vous persécutent, bénissez et ne maudissez pas.

И как, по данной нам благодати, имеем различные дарования, то, имеешь ли пророчество, пророчествуй по мере веры; имеешь ли служение, пребывай в служении; учитель ли,- в учении; увещатель ли, увещевай; раздаватель ли, раздавай в простоте; начальник ли, начальствуй с усердием; благотворитель ли, благотвори с радушием. Любовь да будет непритворна; отвращайтесь зла, прилепляйтесь к добру; будьте братолюбивы друг к другу с нежностью; в почтительности друг друга предупреждайте; в усердии не ослабевайте; духом пламенейте; Господу служите; утешайтесь надеждою; в скорби будьте терпеливы, в молитве постоянны; в нуждах святых принимайте участие; ревнуйте о странноприимстве. Благословляйте гонителей ваших; благословляйте, а не проклинайте.

Lecture de l’Évangile selon saint Matthieu (du jour : Mt 9,1-8)

En ce temps-là, Jésus, étant monté dans une barque, traversa la mer, et alla dans sa ville. Et voici, on lui amena un paralytique couché sur un lit. Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique : « Prends courage, mon enfant, tes péchés te sont pardonnés ». Sur quoi, quelques scribes dirent au dedans d’eux : « Cet homme blasphème ». Et Jésus, connaissant leurs pensées, dit : « Pourquoi avez-vous de mauvaises pensées dans vos cœurs ? Car, lequel est le plus aisé, de dire : “Tes péchés sont pardonnés”, ou de dire : “Lève-toi, et marche ?” Or, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés : Lève-toi, dit-il au paralytique, prends ton lit, et va dans ta maison. » Et il se leva, et s’en alla dans sa maison. Quand la foule vit cela, elle fut saisie de crainte, et elle glorifia Dieu, qui a donné aux hommes un tel pouvoir.

Тогда Он, войдя в лодку, переправился обратно и прибыл в Свой город. И вот, принесли к Нему расслабленного, положенного на постели. И, видя Иисус веру их, сказал расслабленному: дерзай, чадо! прощаются тебе грехи твои. При сем некоторые из книжников сказали сами в себе: Он богохульствует. Иисус же, видя помышления их, сказал: для чего вы мыслите худое в сердцах ваших? ибо что легче сказать: прощаются тебе грехи, или сказать: встань и ходи? Но чтобы вы знали, что Сын Человеческий имеет власть на земле прощать грехи,- тогда говорит расслабленному: встань, возьми постель твою, и иди в дом твой. И он встал, взял постель свою и пошел в дом свой. Народ же, видев это, удивился и прославил Бога, давшего такую власть человекам.

Paroles des Pères

« Aussitôt quelques-uns des docteurs de la loi dirent en eux-mêmes : Cet homme blasphème : qui peut remettre les péchés sinon Dieu seul ? »

Que répond Jésus-Christ à ces murmures ? Désapprouve-t-il ce qu’ils disent ? S’’il n’’était pas égal à son Père, il leur aurait répondu : « pourquoi avez-vous de moi une opinion qui n’est pas conforme à la vérité? Je suis bien éloigné d’avoir cette souveraine puissance. » Mais il ne répond rien de semblable : il confirme plutôt ce qu’ils disent et par ses paroles et par ses miracles !

Comme l’éloge que l’on se fait à soi-même n’est pas fiable, Jésus-Christ se sert du témoignage des autres pour affirmer ce qu’il est. Or il ne se sert pas seulement du témoignage de ses amis, mais aussi – ce qui est encore plus admirable -, de celui de ses ennemis eux-mêmes. C’est en cela qu’’éclate son infinie sagesse.

Il se sert du témoignage de ses amis, quand il dit : « Je le veux, soyez guéri. » Et : « Je n’’ai point trouvé une si grande foi dans Israël même. » Mais il se sert ici du témoignage de ses ennemis, lorsque, ’après qu’e ceux-ci ont dit : « Personne ne peut remettre les péchés que Dieu seul », il ajoute : « Afin que vous sachiez que le Fils de l’’homme a le pouvoir sur la terre de remettre les péchés : lève-toi, » dit-il alors au paralytique, « emporte ton lit et va dans ta maison. »

Ce n’’est pas seulement en cette rencontre que Jésus-Christ tira sa gloire de ses propres ennemis. Il le fit encore lorsqu’’ils lui dirent: « Ce n’est pas à cause de vos bonnes œœuvres que nous voulions vous lapider, mais à cause de vos blasphèmes, parce qu’étant homme vous vous faites Dieu. » (Jean, X, 33.) Il ne réfuta point leur opinion alors, mais il l’’approuva en disant: « Si je ne fais pas les actions de mon Père, ne me croyez pas; mais si je les fais, croyez au moins à mes actions si vous ne vouIez pas croire à mes paroles. » (Jean, X, 37, 38.)

Mais outre la guérison du paralytique, il y a encore ici une autre preuve, par laquelle Jésus-Christ fait voir qu’’il est Dieu, égal à son Père. Les Juifs disaient en eux-mêmes : « il blasphème, parce qu’’il n’appartient qu’’à Dieu de remettre les péchés » ; et lui, non seulement remet les péchés, mais auparavant, répondant à leur pensée, quoiqu’’ils ne l’’eussent pas exprimée, il montre qu’’il est Dieu en pénétrant le secret les cœurs, qui n’’est connu que de Dieu seul. Et pour montrer qu’’il n’’y a que Dieu qui puisse connaître le secret des cœurs, il suffit d’écouter ce que dit le Prophète: « Vous êtes le seul qui connaissez les cœurs ».

– Saint Jean Chrysostome, Homélies sur Matthieu, XIX.

Saints célébrés ce dimanche selon le nouveau calendrier

Début du Carême de la Dormition de la Mère de Dieu. Procession de la Sainte et Vivifiante Croix à Constantinople. Les 7 Frères Maccabées, leur Mère Solomie et Eléazar, leur Maître ; ste Élésa de Cythère ; sts Léonce, Attios, Alexandre, Cindée, Mnisithée, Cyriaque, Minnaios, Caton et Eukléos ; sts Polieucte, Théodore, Cyrique, Eléazar et leurs compagnons ; sts Minès et Ménéos ; st papas le Jeune ;st Thimothée le Thaumaturge, Evêque de Proconèse ; st Eusèbe, Evêque de Verceil.

Le 1er août, mémoire des sept frères Maccabées : Abim, Antoine, Gourias, Éléazar, Eusébon, Akhim (ou Samonas) et Marcel, de leur mère Solomonie, et de leur maître, le scribe Éléazar.

Ces Saints Martyrs vécurent sous le règne du roi de Syrie Antiochus Épiphane, de la dynastie des Séleucides (175-164 avant J. C.), qui, après avoir réduit la nation juive en esclavage, voulut contraindre les fils d’Israël à renier les coutumes et les institutions transmises par leurs Pères, afin de leur faire adopter les moeurs païennes (cf. II Maccabées 6-7). Dans ce but, il décréta que tous devraient manger de la viande de porc, animal impur interdit par la Loi (cf. Lév. 11:7-8).

On essaya d’abord de contraindre le scribe Éléazar, en lui ouvrant la bouche de force. Mais le Saint vieillard recracha la bouchée avec dédain. Restant sourd à ceux qui lui conseillaient de feindre la soumission pour avoir la vie sauve, il répondit: « A notre âge, il ne convient pas de feindre, de peur que nombre de jeunes, en voyant qu’Éléazar aurait embrassé à 90 ans les mœurs étrangères, ne s’égarent eux aussi, à cause de moi et de ma dissimulation, et cela pour un tout petit reste de vie. J’attirerais ainsi sur ma vieillesse souillure et déshonneur, et quand j’échapperais pour le présent au châtiment des hommes, je n’éviterai pas, vivant ou mort, les mains du Tout-Puissant… ».

Ayant ainsi parlé, il alla tout droit s’offrir au supplice de la roue. Sous les tortures, il montrait la bravoure d’un jeune guerrier et provoquait l’admiration de ses bourreaux. Sur le point de mourir, il déclara en souriant: « Au Seigneur qui a la Science Sainte, il est manifeste que, pouvant échapper à la mort, j’endure sous les fouets des douleurs cruelles dans mon corps, mais qu’en mon âme je les souffre avec joie à cause de la crainte qu’Il m’inspire. » Et il rendit l’âme.

Sept frères, qui avaient été instruits par Éléazar dans les traditions de leur peuple, furent arrêtés et se présentèrent devant le roi, semblables à un chœur harmonieux, au centre duquel se tenait, tel un chorège, leur mère. Une seule chose leur importait: que ce chœur au nombre sacré, béni par Dieu, ne fût pas rompu par la défection de l’un d’entre eux. Et ils s’encourageaient l’un l’autre à la confession, par des paroles telles que celles-ci: « Si nous ne périssons pas maintenant, nous devons de toute manière mourir un jour. Faisons de la nécessité de la nature une occasion d’honneur ». Le souverain fit étaler devant eux les instruments de tortures et essaya de les convaincre; mais, triomphant de ses arguments par une philosophie inspirée, ils lui répondirent par la voix de leur aîné: « Nous sommes prêts à mourir, plutôt que de transgresser la Loi de nos Pères! »

Antiochus, hors de lui, ordonna de couper la langue de cet insolent, puis de lui arracher la peau et de lui trancher les extrémités des membres. Soumis au supplice de la roue, puis étendu sur le gril, il déclara: « Coupez mes membres, brûlez ma chair, déboîtez-moi les articulations! Par tous ces supplices, je vous démontrerai que les fils des Hébreux sont invincibles quand il s’agit de la vertu ! » Transfiguré par le feu, il semblait incorruptible et il accomplit ainsi son témoignage sans laisser échapper le moindre gémissement, tandis que sa mère et ses frères, encouragés par ce spectacle, priaient Dieu de leur accorder la faveur de mourir comme lui avec vaillance.

Le second fut ensuite soumis à la torture. On lui lacéra les chairs avec des ongles de fer, puis on l’étendit sur une catapulte. Prêt de rendre l’âme, il s’écria, en langue hébraïque: « Scélérat, tu nous exclus de cette vie présente, mais le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle, nous qui mourons pour ses lois. » Le troisième présenta ses mains au bourreau avec intrépidité, en déclarant qu’il avait confiance de retrouver ses membres dans la vie future. Il succomba sous le supplice de la roue. Le quatrième invita le tyran à trouver de plus terribles supplices, pour lui démontrer qu’il était prêt à rivaliser d’audace avec ses frères; et avant qu’on lui arrache la langue, il dit: « Même si tu me prives de l’organe de la parole, Dieu entend la voix des silencieux. Comme il est doux d’être amputé de ses membres pour Dieu! »

Dans sa hâte de remporter à son tour les trophées, le cinquième se présenta de lui-même aux tortionnaires. Le suivant fut livré au supplice de la roue, et quand on lui perça les flancs, il s’écria: « La science que nous tenons de la piété est invincible! »

Ces valeureux athlètes sacrifièrent ainsi leur vie, l’un après l’autre, en montrant que la raison illuminée par la foi peut non seulement maîtriser les passions de l’âme, mais qu’elle triomphe aussi des tourments et de la mort, car elle procure l’assurance de la vie éternelle et incorruptible.

Leur mère, Solomonie, assistait au supplice de ses fils, et loin de se laisser vaincre par la douleur, c’est elle qui exhortait chacun d’entre eux, dans la langue de ses Pères, à supporter courageusement l’épreuve au Nom du Seigneur et en raison de leur espérance en la résurrection. Elle leur disait: « Je ne sais comment vous êtes apparus dans mes entrailles; ce n’est pas moi qui vous ai gratifiés de l’esprit et de la vie; ce n’est pas moi qui ai organisé les éléments qui composent chacun de vous. Aussi bien, le Créateur du monde, qui a façonné le genre humain et qui est l’origine de toute chose, vous rendra-t-il, dans sa miséricorde, et l’esprit et la vie, parce que vous vous méprisez vous-mêmes à cause de ses Lois. » Le plus jeune des sept frères étant encore vivant, le tyran lui fit des promesses et, ayant convoqué sa mère, il l’engagea à inciter son fils à épargner sa vie. Triomphant de tout attachement charnel, Solomonie se pencha sur le jeune garçon et l’exhorta au contraire à supporter tous les tourments, pour qu’elle puisse le retrouver, avec ses frères, dans le Royaume. Animé d’un nouvel élan, son fils se mit alors à maudire le tyran, lui prédisant qu’il allait bientôt subir le juste châtiment de son orgueil. Et il termina en priant pour que son sacrifice et celui de ses frères apaise la colère divine déchaînée contre leur peuple opprimé. Antiochus, blessé dans son amour propre, sévit contre le Saint Martyr encore plus cruellement que contre les autres. Enfin, après que ce dernier eut glorieusement rendu l’âme, Solomonie fut à son tour offerte en holocauste et partit rejoindre ses fils dans le chœur des Saints Martyrs. En effet, bien qu’ils eûssent témoigné avant le Christ, ces Saints Martyrs ne sont en rien inférieurs à ceux qui ont suivi le Seigneur en imitant sa Passion vivifiante, car c’est la foi au Christ qui, habitant déjà en eux par l’espérance de la résurrection, leur fit triompher de tout attachement terrestre.

Saints célébrés ce dimanche selon l’ancien calendrier

Commémoration des saints Pères des six premiers Conciles Œcuméniques. Sainte Macrine, soeur de saint Basile le Grand (380) ; invention des reliques de saint Séraphin de Sarov (1903) ; saint Die d’Antioche, thaumaturge (vers 430) ; saint Théodore, évêque d’Edesse (IX°) ; saint Romain, prince de Riazan (1270) ; saint Païssios des Grottes de Kiev (IX°) ; saint Libère, évêque de Poitiers (III°).

Extrait du Synaxaire du hiéromoine Macaire selon l’ancien calendrier

Le 19 juillet, mémoire de notre vénérable Mère MACRINE et de ses quatre compagnes dans la vie ascétique. Sœur de Saint Basile (1er janv.) et de saint Grégoire de Nysse (10 janv.), sainte Macrine était l’aînée des dix enfants de cette famille de saints. Au moment de sa naissance (327), un mystérieux personnage était apparu à sa mère à trois reprises, lui ordonnant de donner à l’enfant le nom de sainte Thècle, première-Martyre et modèle des vierges chrétiennes (cf. 24 sept.). Elle garda toutefois ce nom secret, et l’enfant reçut le nom de sa grand-mère, Macrine l’Ancienne, qui avait été disciple de saint Grégoire le Thaumaturge (cf. 17 nov.), et avait vécu dans les forêts du Pont au temps de la Grande Persécution.

Sa mère se préoccupa de l’instruire, non dans la culture profane et les choses frivoles communes aux gens de sa condition, mais dans tout ce qui, dans l’Écriture inspirée, convenait à son âge et à sa formation morale, en particulier le livre de la Sagesse et les Proverbes. Les Psaumes de David l’accompagnaient dans toutes ses activités: en se levant, en se mettant au travail, en le terminant, au début et à la fin du repas, avant de se coucher et en se levant la nuit pour prier. Lorsqu’elle eut douze ans, sa beauté ne pouvant rester cachée, son père la fiança à un jeune homme de qualité et de bonne réputation, qui venait de terminer ses études, et qui avait promis d’attendre que Macrine eût atteint l’âge convenable pour l’épouser. Cependant celui-ci fut bientôt emporté par Dieu avant l’union, ce qui permit à la Sainte de réaliser son désir secret: vivre dans la virginité pour chercher Dieu. De nombreux prétendants se présentèrent, mais Macrine préférait se considérer comme veuve, sans même avoir goûté aux joies et plaisirs de la vie conjugale. A cause de son espérance en la résurrection, elle estimait en effet que son époux était parti en voyage. Se séparant donc de tout lien avec le monde, elle demeura avec sa mère, se mettant à son service pour toutes les tâches domestiques, mêmes celles qui étaient alors réservées aux esclaves, et l’assistant également dans l’éducation de ses frères et soeurs. Après la mort de son père (341), elle assuma elle-même la gestion de leurs grands domaines, situés dans le Pont, en Cappadoce et en Arménie, et, par son exemple, elle invita sa mère à se tourner vers les biens incorruptibles: la contemplation de Dieu et la vraie philosophie. Elles menaient ensemble la vie ascétique, s’adonnaient à la lecture et à la méditation des Écritures, et Macrine était pour tous à la fois protectrice, pédagogue et modèle de vertu. Une fois libérée de l’éducation de ses enfants, Emmélie répartit entre eux ses biens et transforma la demeure familiale d’Annisa en Monastère. Elles firent de leurs servantes des compagnes d’ascèse, et Macrine réussit à convaincre Basile, qui rentrait d’Athènes après de brillantes études, de renoncer à une carrière prometteuse de rhéteur pour embrasser la vie évangélique. À côté du Monastère de femmes, qui grandissait par l’addition de veuves de nobles familles, se forma une communauté masculine, dirigée par le plus jeune frère de Macrine, Pierre, futur Evêque de Sébaste. Saint Naucrace (cf. 8 juin) s’était retiré dans un ermitage – qu’occupera ensuite saint Basile – sur la rive opposée de l’Iris, et subvenait aux besoins de pauvres vieillards par les produits de sa chasse.

Délivrées de l’enchaînement aux nécessités du corps et des préoccupations de cette vie, Macrine et ses compagnes menaient dans leur retraite une vie aux confins de la nature humaine et de la nature angélique. On ne voyait chez elles ni colère, ni envie, ni haine, ni arrogance, ni rien de semblable; tout désir d’honneur ou de gloire était banni. Leur plaisir était la tempérance; leur gloire, de n’être connues de personne; leur fortune, de ne rien posséder. Elles vivaient du travail de leurs mains, mais restaient exemptes de préoccupations, car leur travail véritable consistait en la méditation des réalités divines, la prière incessante et le chant ininterrompu des hymnes. Il n’y avait pour elles aucune différence entre la nuit et le jour: car la nuit elles se montraient actives dans les oeuvres de lumière, alors que leur journée imitait le repos nocturne par l’absence de trouble de leur vie. Affiné par l’ascèse, le corps de sainte Macrine était tel qu’il le sera lors de la résurrection. Elle versait des larmes à la mesure de sa boisson et tous ses sens étaient consacrés aux choses de Dieu, de sorte que, légère, elle cheminait dans les hauteurs avec les Puissances célestes. L’application à la vraie Philosophie selon le Christ, par la crucifixion de toutes les convoitises de la chair, lui permit de croître sans cesse en vertu jusqu’au sommet de la perfection.

Un jour une tumeur s’attaqua au sein de Macrine. Malgré les supplications de sa mère, elle refusa de recevoir les soins d’un médecin, jugeant que dévoiler aux yeux d’un homme une partie de son corps serait plus fâcheux encore que ce mal. Elle passa la nuit en prière dans l’église et oignit sa plaie de la boue faite par ses larmes. Au matin, elle demanda à Emmélie de tracer le signe de croix sur son sein, et l’abcès disparut, ne laissant qu’une petite cicatrice.

Elle avait atteint une telle impassibilité par son application aux choses de Dieu, qu’à la mort de Naucrace, survenue au cours d’un accident de chasse, elle fut pour sa mère et tout le reste de la famille un modèle de maîtrise de soi et de foi en la vie éternelle. Dans les deuils successifs qui frappèrent la communauté, elle montra une même grandeur d’âme, inébranlable comme un athlète exposé aux coups, tant devant la couche funèbre d’Emmélie, que lorsque saint Basile, le soleil de l’Orthodoxie, s’endormit (379). Et, si elle fut alors affligée, ce fut moins pour la perte d’un frère, que de voir l’Église privée de son maître et de son soutien. Pendant la famine qui frappa la Cappadoce, en 368, le monastère d’Annisa devint une véritable ville, refuge et consolation de toute la population d’alentour, et par la prière de la Sainte les réserves de grain, qu’on distribuait à tous les nécessiteux, se renouvelèrent miraculeusement.

Peu de temps après le décès de saint Basile, saint Grégoire de Nysse apprit que sa soeur était tombée gravement malade et il lui rendit visite au Monastère après neuf ans d’absence. Il la trouva étendue sur une planche, abattue par la fièvre, mais gardant son esprit libre dans la contemplation des biens célestes, de telle sorte qu’il en rafraîchissait son corps comme par une rosée. Alors qu’ils se rappelaient le souvenir du grand Basile, au lieu de se lamenter, la Sainte profita de cette occasion pour disserter longuement sur la nature de l’homme, le sens de la création, l’âme et la résurrection des corps(3). Sur tous ces sujets, son discours s’écoulait comme l’eau d’une source, facilement et sans obstacle. Jusqu’au dernier instant, elle ne cessa de deviser en philosophe sur ce qui avait fait l’objet de son choix: l’amour de l’Époux invisible, qu’elle se hâtait de rejoindre, sans qu’aucun attachement à cette vie ne puisse la retenir. Quand elle sentit la fin approcher, elle cessa de s’adresser à ceux qui se tenaient près d’elle et, les yeux tournés vers l’Orient, étendant les mains vers Dieu, elle murmura cette prière: « Seigneur, c’est Toi qui as fait disparaître pour nous la crainte de la mort. C’est Toi qui as fait pour nous du terme de la vie d’ici-bas, le commencement de la vie véritable. C’est Toi qui donnes à nos corps le repos pour quelque temps et qui nous réveilleras à nouveau au son de la trompette dernière. C’est Toi qui laisses à la terre en dépôt le limon que Tes mains ont façonné, pour venir reprendre ce que Tu as donné, en transformant par l’immortalité et la beauté ce qui en nous est mortel et difforme. C’est Toi qui nous as délivrés de la malédiction et du péché, en devenant pour nous l’un et l’autre. C’est Toi qui as brisé la tête du dragon qui précipita l’homme dans l’abîme de la désobéissance, en le saisissant par le cou. C’est Toi qui nous as ouvert la route de la résurrection après avoir fracassé les portes de l’enfer et as réduit à l’impuissance celui qui régnait sur la mort. C’est Toi qui as donné à tous ceux qui Te craignent le signe de la Sainte Croix, pour anéantir l’Adversaire et donner la sécurité à notre vie. Ô Dieu éternel! Vers qui je me suis élancée dès le sein de ma mère, Toi que mon âme a aimé de toute sa force, Toi à qui j’ai consacré ma chair et mon âme depuis ma jeunesse et jusqu’à cet instant, place auprès de moi un Ange de lumière qui me conduise par la main au lieu du rafraîchissement, là où se trouve l’eau du repos, dans le Sein des Saints Pères. Toi qui as brisé la flamme de l’épée de feu et rendu au Paradis le Larron qui était crucifié avec Toi et qui s’en était remis à Ta miséricorde, souviens-Toi aussi de moi dans Ton Royaume, car moi aussi j’ai été crucifiée avec Toi, j’ai cloué ma chair par Ta crainte et j’ai été saisie de crainte à cause de Tes préceptes. Ne me sépare pas de Tes élus par un abîme infranchissable. Que le Jaloux ne se dresse pas contre moi sur mon chemin, et que mon péché ne soit pas placé devant Tes yeux si, à cause de la faiblesse de notre nature, je suis tombée dans le péché par pensée, par parole ou par action. Toi qui as sur la terre le pouvoir de remettre les péchés, remets-les moi, afin que je reprenne haleine et qu’une fois séparée de ce corps je paraisse devant Toi, l’âme irréprochable et immaculée, comme l’encens devant ta Face. »

À ces mots, la Sainte traça le signe de croix sur ses yeux, sa bouche et son cœur. Elle assista en silence à l’Office du soir, puis cessa dans un grand soupir tout à la fois sa prière et sa vie. Au cours des funérailles, présidées par saint Grégoire, auxquelles assistait une foule immense, la beauté spirituelle de sainte Macrine rejaillissait de manière éclatante sur son corps, qui avait été paré comme celui d’une fiancée. Accompagnée du chant des hymnes, comme pour les fêtes des Martyrs, elle fut ensevelie à Ibora, dans le tombeau où reposaient ses parents, en l’église des Quarante-Martyrs.