Dimanche 17 novembre 2019.

Dimanche 17 novembre 2019.

(4 novembre dans l’ancien calendrier).

Péricopes de ce dimanche

Lecture de l’épître de saint Paul aux Galates (6, 11-18) :

Frères, voyez avec quelles grandes lettres je vous ai écrit de ma propre main. Tous ceux qui veulent se rendre agréables selon la chair vous contraignent à vous faire circoncire, uniquement afin de n’être pas persécutés pour la croix de Christ. Car les circoncis eux-mêmes n’observent point la loi ; mais ils veulent que vous soyez circoncis, pour se glorifier dans votre chair. Pour ce qui me concerne, loin de moi la pensée de me glorifier d’autre chose que de la croix de notre Seigneur Jésus Christ, par qui le monde est crucifié pour moi, comme je le suis pour le monde ! Car ce n’est rien que d’être circoncis ou incirconcis ; ce qui est quelque chose, c’est d’être une nouvelle créature. Paix et miséricorde sur tous ceux qui suivront cette règle, et sur l’Israël de Dieu ! Que personne désormais ne me fasse de la peine, car je porte sur mon corps les marques de Jésus. Frères, que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ soit avec votre esprit ! Amen !

Видите, как много написал я вам своею рукою. Желающие хвалиться по плоти принуждают вас обрезываться только для того, чтобы не быть гонимыми за крест Христов, ибо и сами обрезывающиеся не соблюдают закона, но хотят, чтобы вы обрезывались, дабы похвалиться в вашей плоти. А я не желаю хвалиться, разве только крестом Господа нашего Иисуса Христа, которым для меня мир распят, и я для мира. Ибо во Христе Иисусе ничего не значит ни обрезание, ни необрезание, а новая тварь. Тем, которые поступают по сему правилу, мир им и милость, и Израилю Божию. Впрочем никто не отягощай меня, ибо я ношу язвы Господа Иисуса на теле моем. Благодать Господа нашего Иисуса Христа со духом вашим, братия. Аминь.

Lecture de l’Évangile selon saint Luc (12, 16-21)

En ce temps-là, le Seigneur dit cette parabole. Il y avait un homme riche dont le domaine avait beaucoup rapporté. Et il se demandait en lui-même : « Que vais-je faire ? Car je n’ai pas de place pour mettre ma récolte. » Puis il se dit : « Voici ce que je vais faire : je vais abattre mes greniers, j’en construirai de plus grands, j’y serrerai tout mon blé et mes biens, et je dirai à mon âme : Mon âme, tu as quantité de biens en réserve pour beaucoup d’années ; repose-toi, mange, bois, réjouis-toi ! » Mais Dieu lui dit : « Insensé ! Cette nuit même on va te redemander ton âme ; et ce que tu auras amassé, qui l’aura ? » Ainsi en est-il de celui qui amasse pour lui-même, au lieu de s’enrichir en vue de Dieu

И сказал им притчу: у одного богатого человека был хороший урожай в поле; и он рассуждал сам с собою: что мне делать? некуда мне собрать плодов моих? И сказал: вот что сделаю: сломаю житницы мои и построю бо́льшие, и соберу туда весь хлеб мой и всё добро мое, и скажу душе моей: душа! много добра лежит у тебя на многие годы: покойся, ешь, пей, веселись. Но Бог сказал ему: безумный! в сию ночь душу твою возьмут у тебя; кому же достанется то, что ты заготовил? Так бывает с тем, кто собирает сокровища для себя, а не в Бога богатеет.

Paroles des Pères

La parabole évangélique du riche insensé peut nous sembler au premier abord étrange et incompréhensible. Il semble qu’il n’y ait rien de mal à ce qu’un homme, ayant une récolte abondante, se construise une autre grange pour y stocker le grain. Il ne pouvait pas le laisser dehors : le grain pourrirait sous la pluie et il ne serait plus bon pour personne. […] Tout le monde peut mourir subitement, mais cela ne veut pas dire qu’il faut se débarrasser de toutes ses préoccupations. Quand on plante un arbre, peut-on être certain de vivre pour voir comment il grandit et donne des fruits ? Mais néanmoins nous le plantons ; néanmoins nous travaillons. Cela signifie que la faute première de cet homme, son péché, est qu’il s’est assis, qu’il soit devenu confiant et qu’il se soit dit : « Mange, bois et réjouis-toi. » Il ne pensait pas que le travail humain était ce qu’il fallait faire pour les autres ; c’est avant tout travailler pour les autres. Le jour où il a rempli son grenier, il n’a même pas pensé à faire autre chose pour les autres. Il pensait que ses richesses lui avaient été données pour qu’il puisse manger, boire et se réjouir.

Il y a une leçon à tirer de cela pour nous tous. Nous devrions comprendre que nous aurons seulement une vie normale, une condition normale de l’âme et une approche normale de tout notre chemin terrestre lorsque nous nous efforcerons de donner notre travail aux autres. Après tout, le Seigneur a arrangé les choses de manière à ce que le monde soit relié par des liens de travail mutuel. Vous portez tous des vêtements : quelqu’un les a confectionnés pour vous […], et vous, vaquant à vos occupations, vous donnez de votre travail, de votre temps et de vos compétences à quelqu’un. C’est la même chose ici dans l’église : quelqu’un a travaillé pour ériger ce bâtiment, apportant des rondins ici pendant les années difficiles des années vingt et construisant cette église. Quelqu’un l’a peint, quelqu’un la nettoie régulièrement, la chorale chante, vous apportez vos contributions – nous travaillons tous toujours ensemble pour l’église, pour nos maisons et pour les personnes qui nous entourent.

De cette manière, la vie et le travail de l’homme sont une forme de reconnaissance pour ce que l’on a reçu ; et si nous oublions cela, nous oublions la vocation première de l’homme dans la vie. Et si nous oublions cela, cela signifie que nous sommes endormis et nous pouvons passer toute une vie ainsi, aussi longue soit-elle. Ce malheureux est décédé juste après que ses greniers soient remplis. Mais une autre personne peut vivre longtemps, et rester endormie, spirituellement endormie, et ne pas réfléchir à la vie, ne pas penser à notre dette pour tout ce que l’on a reçu, ne pas se souvenir du Seigneur, ne pas vivre devant Sa face, mais simplement « manger, boire et se réjouir ».

– Père Alexandre Men, Lumière dans le noir, « A propos du riche insensé ».

***

Il est deux sortes d’épreuves. Nous sommes attaqués dans ce monde, ou par l’affliction qui, comme l’or dans le creuset, éprouve notre âme et fait connaître sa force en exerçant sa patience, ou par la prospérité même, qui est un autre genre d’épreuve. Car ce sont deux choses également difficiles pour l’âme, de ne pas se laisser abattre dans les peines de la vie, et de ne pas se laisser porter aux excès dans la prospérité. Job nous fournit un exemple de la première sorte d’épreuve […], le riche de l’évangile qu’on vient de lire, nous offre un exemple, entre mille autres, de l’épreuve dans les heureux succès. […]

Dieu a comblé de bienfaits le riche de l’Évangile. Et que voyons-nous dans ce riche ? des mains fermées à toute largesse, un cœur dur, insensible aux besoins et aux souffrances d’autrui. Voilà sa reconnaissance pour les dons multipliés de son bienfaiteur. [..]

Le mal dont souffre son âme me paraît semblable à celui qu’éprouvent les gloutons : ils aiment mieux crever de gloutonnerie que de partager leurs restes avec les pauvres. Écoute, ô homme, celui qui t’a pourvu. Souviens-toi de toi-même, qui tu es, quel bien tu administres, de qui tu l’as reçu, pourquoi tu as été préféré à la plupart. Tu as été fait serviteur d’un Dieu bon, intendant de tes compagnons d’esclavages ; ne crois pas que tout a été préparé pour ton ventre. Délibère au sujet des biens que tu as en mains avec la pensée que ce sont ceux d’autrui : ils te charment un peu de temps, puis ils s’écrouleront et disparaîtront, mais il t’en sera demandé un compte exact. […]

« Que ferai-je ? » Il était tout simple de dire : je rassasierai les âmes de ceux qui ont faim, j’ouvrirai mes greniers et j’inviterai tous les pauvres. […] Tu t’entretiens avec toi-même dans le secret, mais tes paroles sont examinées dans le ciel. Aussi, est-ce de là que t’arrivent les réponses. Quels propos tiens-tu ? « Mon âme, tu as en réserve beaucoup de biens ; mange, bois, réjouis-toi chaque jour » (Lc 12, 19). Ô folie ! Si tu avais une âme de porc, quel autre plaisir lui préparerais-tu ? Es-tu si courbé vers la terre, comprends-tu si peu les biens de l’âme, que tu offres à la tienne des nourritures grossières, et que tu destines à cette âme tout ce que les entrailles mêmes rejettent dans les latrines ? Si ton âme est décorée de vertus, si elle est pleine de bonnes œuvres, si elle habite près de Dieu, alors elle a beaucoup de biens et elle se réjouit de la joie légitime et pure de l’âme. Mais puisque tes pensées sont terrestres, que tu as pour dieu ton ventre, que tu es tout charnel, asservi à tes passions, écoute le nom qui te convient, celui qu’aucun homme ne t’a donné mais le Seigneur lui-même : « Insensé ! cette nuit même on te redemandera ton âme ; et ce que tu as mis en réserve, pour qui sera-t-il ? » (Lc 12, 20). […]

Celui qui, dans quelques instants, va être emporté et conduit devant le Juge, quels desseins forme-t-il ? « Je détruirai mes greniers et j’en construirai de plus grands ». […] Quoi de plus sot que de se fatiguer sans cesse, de s’empresser de construire pour s’empresser de détruire ? Tu as comme greniers, si tu le veux, le ventre des pauvres. « Amasse-toi un trésor dans le ciel » (cf. Mt 6, 20). Ce qui est déposé là, les vers ne le mangent pas, la pourriture ne le dévore pas, les voleurs ne le dérobent pas. — Mais je partagerai avec les pauvres, quand j’aurai rempli mes seconds greniers. — Tu as fixé toi-même à ta vie un terme très éloigné. Prends garde que le temps, pressé d’arriver au jour fixé par Dieu, ne te devance, car ta promesse est une preuve, non de ta bonté, mais de ta méchanceté. En effet, tu promets, non pour donner ensuite, mais pour te soustraire au devoir présent. Qu’est-ce qui t’empêche de donner maintenant ? Le pauvre n’est-il pas là ? Tes greniers ne sont-ils pas pleins ? La récompense n’est-elle pas prête ? Le précepte n’est-il pas clair ? Celui qui a faim se consume, celui qui est nu est gelé, celui à qui on réclame une dette s’étrangle, et toi, tu renvoies ton aumône à demain ? […]

Tu ne connais qu’un mot : « je n’ai rien, je ne donnerai rien car je suis pauvre. » Pauvre, tu l’es en effet, et dépourvu de tout bien : pauvre d’amour, pauvre de bonté, pauvre de foi en Dieu, pauvre d’espérance éternelle. Donne à tes frères une part de tes vers ; partage aujourd’hui avec l’indigent ce qui sera pourri demain. C’est faire preuve de la plus odieuse des avarices, que de ne pas vouloir partager avec les pauvres même ce qui se perd.

« À qui fais-je tort, dit l’avare, en gardant ce qui m’appartient ? » Qu’y a-t-il, dis-moi, qui t’appartienne ? Où as-tu pris quelque chose pour l’introduire dans ta vie ? C’est comme si quelqu’un, s’étant emparé d’une place dans les spectacles publics, voulait empêcher les autres d’entrer, parce qu’il considère comme sa propriété personnelle ce qui est mis à la disposition de tous indistinctement. Tels sont les riches. Des biens qui sont communs, ils les regardent comme leur étant propres, parce qu’ils s’en sont emparés les premiers.

Si chacun prenait seulement de quoi subvenir à ses besoins et laissait le superflu à l’indigent, personne ne serait riche, personne ne serait pauvre, personne ne serait dans la misère. N’es-tu pas sorti nu du sein de ta mère ? Ne t’en retourneras-tu pas nu encore dans la terre ?

Les biens présents, d’où te sont-ils venus ? Si tu crois les tenir du hasard, tu es un impie, car tu méconnais Celui qui t’a créé et tu n’as pas de reconnaissance pour Celui qui te les a donnés. Si tu admets que c’est de Dieu, dis-nous la raison pour laquelle tu les as reçus. Dieu serait-il injuste, lui qui nous distribue inégalement les choses nécessaires à la vie ? Pourquoi es-tu riche, toi, alors que celui-là est pauvre ? N’est-ce pas seulement pour que toi, tu reçoives la récompense de ta bonté et de ta fidèle administration, et que lui soit honoré des prix magnifiques réservés à la patience ? Mais toi, qui fais tout disparaître dans les insatiables replis de ton avarice, crois-tu ne faire de tort à personne, lorsque tu prives du nécessaire tant de misérables ?

Qui est l’avare ? Celui qui ne se contente pas du nécessaire. Qui est le spoliateur ? Celui qui s’accapare pour lui seul ce qui est à chacun. Et toi, n’es-tu pas avare, n’es-tu pas spoliateur, quand tu t’appropries les biens que tu as reçus en intendance ? Celui qui dépouille un homme de ses vêtements est appelé voleur, mais celui qui ne couvre pas l’homme qui est nu, alors qu’il peut le faire, mérite-t-il un autre nom ? Il appartient à celui qui a faim, le pain que tu gardes ; à celui qui est nu, le manteau que tu conserves dans tes coffres ; à celui qui est sans chaussures, la chaussure qui pourrit chez toi ; au pauvre, l’argent que tu tiens enfoui. Ainsi, tu commets autant d’injustices qu’il y a de personnes à qui tu pourrais donner.

– Saint Basile le Grand, Homélie 6, Sur cette parole de l’évangile de Luc : « Je détruirai mes greniers et j’en construirai de plus grands » (Lc 12, 18) et sur l’avarice.

***

Remarquez les mots : ton âme te sera redemandée. Comme des collecteurs d’impôt farouches, les anges effrayants viendront chercher ton âme, et tu ne voudras pas la donner parce que tu aimes cette vie et réclames les choses de cette vie comme les tiennes propres. Mais ils ne demandent pas l’âme du juste, parce que lui, il la confie de lui-même aux Mains de Dieu et Père des esprits, et il le fait avec joie et contentement, sans le moindre regret de remettre son âme à Lui. Pour lui, le corps est un fardeau léger, facile à ôter. Mais le pécheur a rendu son âme charnelle, semblable au corps et à la terre, la rendant difficile à séparer du corps. C’est pourquoi il faut lui demander son âme, de la même façon que de sévères collecteurs d’impôt traitent les débiteurs qui refusent de payer leur dû. Voyez que le Seigneur ne dit pas : « Je te redemanderai ton âme », mais elle te sera redemandée. Car les âmes des justes sont déjà dans les Mains de Dieu. En vérité, c’est dans la nuit que l’âme d’un tel pécheur est redemandée. Pour ce pécheur, c’est la nuit, car il est obscurci par l’amour de la richesse, la lumière de la connaissance divine ne peut pénétrer en lui, et la mort le surprend.

Ainsi celui qui amasse du trésor pour lui-même est appelé insensé : il ne cesse jamais de faire des projets et meurt au milieu d’eux. Mais s’il avait amassé du trésor pour les pauvres et pour Dieu, cela ne se serait pas passé ainsi. Efforçons-nous donc d’être riches pour Dieu, c’est-à-dire d’avoir foi en Lui, de L’avoir comme notre richesse et notre Dispensateur de richesse, et ne parlons pas de nos biens, mais des « Biens de Dieu ». S’ils sont à Dieu, ne privons pas Dieu de ses propres biens. C’est ce que veut dire être riche pour Dieu : c’est avoir confiance que même si je me vide et donne tout ce que j’ai, le nécessaire ne me manquera pas. Dieu est mon dispensateur des biens, j’ouvre ce trésor et j’en prends ce dont j’ai besoin.

– Saint Théophylacte de Bulgarie (1050-1126), Commentaire sur l’Évangile de Luc.

Saints célébrés ce dimanche selon le nouveau calendrier

Saint Grégoire le Thaumaturge, évêque de Néocésarée (vers 270) ; saints Aciscle et Victoire, martyrs à Cordou (IVème s.) ; saint Gennade, patriarche de Constantinople (471) ; saint Aignan, évêque d’Orléans (453) ; saint Grégoire, évêque de Tours (594) ; saint Namace, évêque de Vienne (559) ; sainte Hilda, abbesse de Whitby en Angleterre (680) ; saint Lazare, iconographe à Constantinople (vers 857) ; saint Gobronne, au baptême Michel et ses 133 soldats, martyrs en Géorgie (914) ; saint Nicone, abbé de Radonège, disciple de saint Serge (1426).

Synaxaire du hiéromoine Macaire

Ce dimanche, nous célébrons la mémoire de saint Grégoire le Thaumaturge, évêque de Néocésarée. Notre saint Père Grégoire vit le jour vers 213, au sein d’une illustre famille païenne de Néocésarée dans le Pont (auj. Niksar). Sa mère, restée seule responsable de l’éducation de ses trois enfants à la mort de son mari, se soucia de leur donner une éducation raffinée. Grégoire, alors nommé Théodore, manifestait non seulement de grands talents pour l’étude — en particulier pour la rhétorique —, mais aussi une profonde sagesse et une grande douceur. Dès l’âge de quatorze ans, il dédaignait les jeux turbulents de ses compagnons pour se livrer à la contemplation de la création et il en tira une vague idée de l’existence du seul Créateur. En effet, la foi chrétienne était presque inconnue dans cette région : on comptait en tout et pour tout dix-sept chrétiens à Néocésarée. Les compagnons du jeune homme, jaloux de le voir mener une vie si sage et si chaste, payèrent un jour une prostituée, pour qu’elle proclamât publiquement que Théodore s’était livré à la débauche avec elle. En entendant ces calomnies, le jeune garçon ne chercha pas à se justifier, ni ne se mit en colère contre ceux qui en étaient coupables, et il se contenta, pour avoir la paix, de renvoyer cette courtisane en lui donnant autant d’argent qu’elle en avait reçu pour répandre ses mensonges. Mais dès qu’elle eut pris en main cet argent, la femme s’affaissa à terre, en proie à de terribles convulsions suscitées par le démon. Et elle ne retrouva la paix que lorsque le saint eut prié pour elle.

La mère de Théodore avait décidé de l’envoyer, avec son frère Athénodore, poursuivre leurs études de droit dans la fameuse école de Béryte (Beyrouth) ; mais elle leur avait demandé d’accompagner auparavant leur sœur à Césarée de Palestine, afin qu’elle y retrouvât son époux, qui était conseiller juridique du gouverneur. C’est là que les deux jeunes gens firent la connaissance du grand Origène († 254), récemment venu d’Alexandrie pour y délivrer son enseignement. Fascinés, dès les premiers jours, par les paroles du maître qui avaient jeté dans leur âme, telle une étincelle, le feu de l’amour de Dieu, les deux jeunes gens décidèrent d’abandonner tout autre projet d’études, et ils suivirent avec avidité ses leçons pendant cinq ans (233-238). Passant en revue toutes les sciences du temps, ils furent initiés à la théologie chrétienne par le maître alexandrin, mais gardèrent suffisamment de discernement pour ne pas le suivre dans certaines spéculations trop audacieuses sur les mystères divins. Menant vie commune avec les autres élèves, ils passaient tout leur temps dans l’étude des Écritures, et regardaient leur maître comme un modèle de vertu et de piété. « Cet homme, dit-il, a reçu de Dieu le plus grand don et du ciel la plus belle part : il est l’interprète des paroles de Dieu auprès des hommes, il comprend les choses de Dieu comme si Dieu lui parlait, et il les explique aux hommes afin qu’ils les appliquent ».

Quittant la compagnie de son maître, une fois ses études achevées, comme s’il était expulsé du Paradis de délices, Grégoire revint dans sa patrie. Un grand nombre de notables l’assaillirent alors de propositions avantageuses pour l’engager comme précepteur de leurs enfants. Mais le jeune homme rejeta tous les attraits trompeurs du monde pour s’enfuir au désert, afin d’y vivre seul devant Dieu, dans l’ascèse et la prière. Or, l’archevêque d’Amasée, Phédime, ayant entendu parler de ses vertus et de ses dons pour l’art oratoire, essaya de l’attirer vers la métropole, pour l’y consacrer évêque de Néocésarée. Mais Grégoire refusa d’échanger sa retraite pour les troubles du monde. Phédime fit alors une chose inhabituelle — que seule permettait la souplesse canonique d’une Église encore toute jeune —, il ordonna Grégoire à distance, sans lui imposer les mains directement, et lui envoya une lettre attestant que, bon gré mal gré, il était désormais évêque de sa patrie. Grégoire, alors âgé d’environ trente ans, dut s’incliner devant la volonté de Dieu ; mais il ne quitta le désert qu’après avoir passé un grand nombre de jours et de nuits en prière, afin que Dieu l’affermît dans son œuvre pastorale.

Une nuit, la Très Sainte Mère de Dieu et saint Jean le Théologien lui apparurent, et lui révélèrent avec clarté le mystère de l’unité de la nature divine et de la distinction de ses trois Personnes par ces mots : « Il est un seul Dieu, Père du Verbe vivant, de la Sagesse subsistante, de la Puissance et de l’Empreinte éternelle. Il est Générateur parfait du parfait engendré. Il y a un seul Seigneur, unique issu de l’Unique, Dieu issu de Dieu, empreinte et image de la Divinité, Verbe efficace. Fils véritable du Père véritable, invisible issu de l’Invisible, éternel issu de l’Éternel. Et il y a un seul Saint-Esprit, qui tient son existence de Dieu (le Père) et est révélé par le Fils. Il est cause de la vie, source sainte et principe de sanctification. En lui, se manifestent Dieu le Père, qui est au-dessus de tous et en tous, et Dieu le Fils, qui est à travers tous. Trinité parfaite. Dans la Trinité, il n’y a rien de créé ou d’esclave, rien qui n’eût existé auparavant et qui y aurait été introduit par la suite. Ainsi, ni le Fils n’a jamais manqué au Père, ni l’Esprit au Fils. »

Ainsi confirmé par la grâce du Saint-Esprit et devenu digne de recevoir, tel Moïse, la révélation des mystères directement de Dieu, Grégoire se montra un apôtre infatigable de la vraie foi dans toute la région de Néocésarée. Il convertissait aussi bien par sa parole que par ses nombreux miracles, démontrant ainsi de façon éclatante que la puissance de Dieu était avec lui et non du côté des démons impuissants des païens. C’est ainsi qu’il déplaça à plusieurs reprises le cours d’un fleuve en invoquant le Nom du Christ et assécha un étang qui était un objet de litige entre des frères cupides, qu’il arrêta une inondation du Lycos, qu’il exorcisa un jeune possédé et qu’il choisit sur un signe divin saint Alexandre comme évêque de Comane [12 août]. Saint Basile le Grand écrivait à son propos : « Ses prédictions furent telles qu’il ne le cède en rien aux grands prophètes ! Bref, il serait long d’exposer en détail les miracles de cet homme qui, en raison de la surabondance des dons de grâce que l’Esprit produisait en lui, en toute œuvre de puissance, en signes et en prodiges, était proclamé “second Moïse” par les ennemis mêmes de 1’Église. Ainsi, en chacune de ses paroles, en chaque acte qu’il accomplissait sous l’action de la grâce, il brillait comme une lumière, indice de la puissance céleste qui l’accompagnait invisiblement. » C’est à cause de ces miracles éclatants qu’il reçut bientôt le surnom de « Thaumaturge ».

En 250, lors de la violente persécution de Dèce, Grégoire et un grand nombre de ses fidèles préférèrent fuir dans les montagnes qui se trouvaient à proximité de Néocésarée, plutôt que de s’exposer inutilement à la mort. Quant à lui, le saint évêque était déjà mort au monde depuis longtemps, et partir de cette vie pour être avec le Christ était pour lui, comme pour saint Paul, la meilleure part (Phil 1, 24). Mais l’amour de ses fidèles et le souci de préserver l’Église en confirmant la foi des plus faibles l’avaient convaincu de préférer la fuite. De sa retraite, il priait cependant avec ardeur pour les martyrs qui offraient leur sang et décrivait à ses compagnons leurs combats, comme s’il les avait sous les yeux. Un jour, des soldats, ayant découvert leur cachette, s’apprêtaient à venir les arrêter ; mais, à la prière du saint, Dieu le rendit, lui et ses compagnons, invisibles à leurs poursuivants qui rentrèrent bredouilles. À la fin de la persécution, il fit recueillir les reliques des saints martyrs et ordonna de célébrer de grandes fêtes en leur honneur les jours mêmes où les païens avaient coutume de se livrer à leurs festivités, de sorte que toute la région devint profondément chrétienne et même ses mœurs les plus païennes furent bientôt transformées en réjouissances spirituelles. Vers 254, la province se trouva envahie et dévastée par les Goths et les Borades, et saint Grégoire fit tout ce qui était en son pouvoir pour soutenir son peuple éprouvé. En 264 (ou 265), il assista, avec son frère Athénodore, qui était devenu évêque d’une autre cité de la région, au premier synode d’Antioche, réuni contre Paul de Samosate, adversaire de la Sainte Trinité.

Grégoire continua de briller par ses miracles et sa prédication de la foi orthodoxe pendant de nombreuses années. Quelques jours avant de partir vers les Demeures éternelles (vers 275), il demanda à ses proches combien il restait de païens dans son diocèse. On lui apprit que ceux-ci n’était plus que dix-sept : le nombre exact des chrétiens de Néocésarée lorsque il l’avait prise en charge. Il s’endormit alors dans la paix et la joie du serviteur qui a accompli fidèlement l’œuvre que lui avait confiée son Maître.

Saints célébrés ce dimanche selon l’ancien calendrier

Saint Joannice le Grand, ermite au Mont-Olympe (846) ; saint Nicandre, évêque de Myre, et saint Hermias, martyrs (Ier s.) ; saint Mercure des Grottes de Kiev (XIVème s.) ; saint Nicandre, higoumène de Gorodensk (XVIème s.) ; saint Procule, évêque d’Autun, martyr (vers 720) ; saint Amand, évêque de Rodez (IVème) ; bienheureux Simon de Yourevetsk, fol en Christ (1586) ; saint Paul, métropolite de Tobolsk (1770) ; saints néo-martyrs de Russie : Nicolas (Vinogradov), confesseur, prêtre (1931), moniale Eugénie (Lyssova) (1935), Alexandre (Petropavlovsky), prêtre (1937), Izmaïl (Vasilevsky), prêtre (1941).

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