Dimanche 28 février 2021 – du fils prodigue

Dimanche 28 février 2021.

(15 février dans l’ancien calendrier.)

Dimanche du Fils prodigue.

2e dimanche du Triode.

 

Péricopes de ce dimanche

Lecture de l’épître du saint apôtre Paul aux Corinthiens (du Triode : Co. 6, 12-20) :

Frères, j’ai toute liberté, mais tout n’est pas utile. J’ai toute liberté, mais, moi, je ne laisserai rien avoir pouvoir sur moi ! La nourriture est pour le ventre, le ventre pour la nourriture, et Dieu abolira l’un et l’autre. Mais le corps n’est pas pour la débauche : il est pour le Seigneur, et le Seigneur est pour le corps. Et Dieu qui a ressuscité le Seigneur, nous ressuscitera nous aussi par sa puissance. Ne savez-vous pas que vos corps sont des membres du Christ ? Vais-je donc prendre les membres du Christ pour en faire les membres d’une débauchée ? En aucun cas ! Ou bien ne savez-vous pas que celui s’unit à la débauchée ne fait avec elle qu’un seul corps ? Car il est dit : « Les deux ne feront qu’une seule chair. » Mais celui qui s’unit au Seigneur n’est avec lui qu’un seul esprit. Fuyez la débauche ! Tous les péchés que l’être humain peut commettre sont extérieurs à son corps ; mais le débauché pèche contre son propre corps. Ne savez-vous pas que votre corps est le temple de l’Esprit saint, qui est en vous et que vous tenez de Dieu ? Vous ne vous appartenez pas, car vous avez été rachetés très cher : glorifiez donc Dieu dans votre corps et dans votre esprit, qui appartiennent à Dieu !

Bсе мне позволительно, но не все полезно; все мне позволительно, но ничто не должно обладать мною. Пища для чрева, и чрево для пищи; но Бог уничтожит и то и другое. Тело же не для блуда, но для Господа, и Господь для тела. Бог воскресил Господа, воскресит и нас силою Своею. Разве не знаете, что тела́ ваши суть члены Христовы? Итак отниму ли члены у Христа, чтобы сделать их членами блудницы? Да не будет! Или не знаете, что совокупляющийся с блудницею становится одно тело с нею? ибо сказано: два будут одна плоть. А соединяющийся с Господом есть один дух с Господом. Бегайте блуда; всякий грех, какой делает человек, есть вне тела, а блудник грешит против собственного тела. Не знаете ли, что тела́ ваши суть храм живущего в вас Святаго Духа, Которого имеете вы от Бога, и вы не свои? Ибо вы куплены дорогою ценою. Посему прославляйте Бога и в телах ваших и в душах ваших, которые суть Божии.

Lecture de l’Évangile selon saint Luc (du Triode : Luc 15, 11-32)

St Vladimir's Orthodox Theological Seminary on Twitter: "This is the Sunday  of the Prodigal Son. This parable of God's forgiveness calls us to “come to  ourselves” as did the prodigal son, toEn ce temps-là, Jésus dit la parabole suivante. Un père avait deux fils et le plus jeune lui dit : « Père, donne-moi la part qui me revient de notre fortune. » Et le père partagea les ressources entre eux. Peu de jours après, le plus jeune fils, ayant tout rassemblé, partit pour un pays lointain et, là, il dissipa sa fortune, menant une vie de perdition. Lorsqu’il eut tout dépensé, une cruelle famine toucha ce pays et il commença à être dans le dénuement. Il alla donc s’engager auprès d’un des habitants de ce pays qui l’envoya garder les porcs dans ses champs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre des caroubes que mangeaient les porcs, et personne ne lui en donnait. Entrant en lui-même, il dit : « Tant de salariés de mon père ont du pain en abondance et moi, ici, je meurs de faim ! Je vais me lever, j’irai vers mon père et je lui dirai : ‘ Père, j’ai péché contre le ciel et devant toi ; je ne suis plus digne d’être appelé ton fils ; traite-moi comme un de tes salariés.’ » Il se leva et alla vers son père. Comme il était encore loin, son père le vit et fut saisi de miséricorde ; il courut se jeter au cou de son fils et l’embrassa tendrement. Le fils lui dit : « Père, j’ai péché contre le ciel et devant toi, je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. » Mais le père dit à ses esclaves : « Vite, apportez le vêtement le plus beau, et revêtez-l’en ; mettez-lui un anneau à la main et des chaussures aux pieds ! Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et réjouissons-nous ! Mon fils que voici était mort, et il est vivant ; il était perdu et il est retrouvé !» Et ils se mirent à se réjouir. Son fils aîné était aux champs : comme il approchait de la maison, il entendit jouer des danses ; il appela un des serviteurs et lui demanda ce qui se passait. Celui-ci lui dit : « Ton frère est là, et ton père a tué le veau gras parce qu’il l’a recouvré en bonne santé. » Le fils aîné se mit en colère et ne voulait pas entrer. Mais, son père sortit pour l’en prier. Il répondit à son père : « Voilà tant d’années que je te sers comme un esclave sans jamais transgresser un seul de tes commandements, et tu ne m’as jamais donné un chevreau pour me réjouir avec mes amis ; et quand ton fils que voilà revient, après avoir dévoré tes ressources avec des débauchées, tu tues pour lui le veau gras ! » Son père lui dit : « Mon enfant, tu es toujours avec moi et tout ce qui est à moi est à toi, mais il fallait se réjouir et rendre grâce, car ton frère que voici était mort et il est vivant ; il était perdu et il est retrouvé ! »

Еще сказал: у некоторого человека было два сына; и сказал младший из них отцу: отче! дай мне следующую мне часть имения. И отец разделил им имение. По прошествии немногих дней младший сын, собрав всё, пошел в дальнюю сторону и там расточил имение свое, живя распутно. Когда же он прожил всё, настал великий голод в той стране, и он начал нуждаться; и пошел, пристал к одному из жителей страны той, а тот послал его на поля свои пасти свиней; и он рад был наполнить чрево свое рожка́ми, которые ели свиньи, но никто не давал ему. Придя же в себя, сказал: сколько наемников у отца моего избыточествуют хлебом, а я умираю от голода; встану, пойду к отцу моему и скажу ему: отче! я согрешил против неба и пред тобою и уже недостоин называться сыном твоим; прими меня в число наемников твоих. Встал и пошел к отцу своему. И когда он был еще далеко, увидел его отец его и сжалился; и, побежав, пал ему на шею и целовал его. Сын же сказал ему: отче! я согрешил против неба и пред тобою и уже недостоин называться сыном твоим. А отец сказал рабам своим: принесите лучшую одежду и оденьте его, и дайте перстень на руку его и обувь на ноги; и приведите откормленного теленка, и заколите; станем есть и веселиться! ибо этот сын мой был мертв и ожил, пропадал и нашелся. И начали веселиться. Старший же сын его был на поле; и возвращаясь, когда приблизился к дому, услышал пение и ликование; и, призвав одного из слуг, спросил: что это такое? Он сказал ему: брат твой пришел, и отец твой заколол откормленного теленка, потому что принял его здоровым. Он осердился и не хотел войти. Отец же его, выйдя, звал его. Но он сказал в ответ отцу: вот, я столько лет служу тебе и никогда не преступал приказания твоего, но ты никогда не дал мне и козлёнка, чтобы мне повеселиться с друзьями моими; а когда этот сын твой, расточивший имение своё с блудницами, пришел, ты заколол для него откормленного теленка. Он же сказал ему: сын мой! ты всегда со мною, и всё мое твое, а о том надобно было радоваться и веселиться, что брат твой сей был мертв и ожил, пропадал и нашелся.

Paroles des Pères

Dieu ne nous demande que de lui fournir une petite occasion et il nous remet tous nos péchés. Je veux vous expliquer une parabole qui confirme ce que je viens d’avancer.

Deux frères se partagèrent les biens paternels: l’un demeura dans la maison; l’autre, après avoir dévoré tout ce qu’il avait reçu, n’eut pas la force de supporter la honte de sa pauvreté; il s’exila loin de sa patrie. (Luc, XV, 11.) Je mets sous vos yeux cette parabole pour vous montrer que vous pouvez, si vous voulez, obtenir la rémission des péchés que vous avez commis après le baptême : et ce que j’en dis n’a pas pour but de vous encourager à l’indifférence, mais de vous retirer du découragement. Cet enfant dissipateur représente ceux qui sont tombés après leur baptême ; j’en vois la preuve en ceci, qu’il est appelé fils : sans le baptême, nul ne saurait porter ce nom. Il avait habité la maison paternelle, il avait eu sa part dans les propriétés paternelles; avant le baptême, nul ne peut toucher aux biens du Père céleste, ni entrer dans son héritage : tous ces traits sont donc une esquisse de l’état des fidèles. De plus, il était frère d’un homme sans reproche; or, sans la régénération spirituelle, il n’y a pas de vraie (278) fraternité. Il tomba au dernier degré de la misère que dit-il alors? Je retournerai à mon père. (Luc, XV, 18.) Son père l’avait laissé partir, son père n’avait mis aucun obstacle à sa fuite sur une terre étrangère, afin que ce malheureux enfant comprît bien par sa propre expérience quelle faveur et quel bonheur c’était pour lui d’habiter la demeure paternelle. Dieu aussi, après nous avoir parlé sans nous persuader, emploie souvent l’expérience pour faire entrer sa doctrine en nous. C’est ce qu’il déclara aux Juifs; il dépensa par l’organe des prophètes des milliers et des milliers de paroles; mais, n’ayant pu ni les convaincre ni les toucher, il voulut les instruire par le châtiment et il leur dit :Votre révolte vous enseignera et votre méchanceté vous corrigera.(Jérém. II, 19.) La parole de Dieu n’avait pas besoin de la confirmation des événements pour être digne de foi; mais comme les Juifs avaient été assez endurcis et aveuglés pour ne pas ajouter foi aux menaces et aux avertissements du Seigneur, celui-ci, prenant ses précautions pour les empêcher de céder complètement à leur malice, disposa tout de telle sorte que la force des choses les éclairât et les corrigeât : il voulut les recouvrer au moins par ce moyen.

Le fils prodigue ou L'école du repentir | Parole de l'ÉvangileLors donc que l’enfant prodigue eut appris par expérience sur la terre d’exil combien il est fâcheux d’abandonner le toit paternel, il y revint; et son père, oubliant l’injure, le reçut à bras ouverts. Pourquoi cela? parce qu’il était père et non pas juge ! Et des danses, et des festins, et de joyeuses assemblées eurent lieu : la maison était tout entière dans l’allégresse. — Que dites-vous là? Est-ce ainsi qu’on récompense le vice? Non! mon ami, on ne récompense pas le vice, mais le retour de l’enfant; on ne récompense pas le péché, mais la pénitence; on ne récompense pas l’iniquité, mais la conversion. Et voici qui est mieux encore : comme le fils aîné s’indignait, le père l’apaise doucement en lui disant : Toi, tu es toujours avec moi; mais celui-ci était perdu et il est retrouvé; il était mort et il est ressuscité. (Luc, XV, 31.) Lorsqu’il faut, dit-il, sauver ce qui va périr, ce n’est le temps ni de juger ni d’examiner sévèrement, c’est le moment de la clémence et du pardon. Un médecin ne s’avise pas d’infliger à un malade la punition et le châtiment de ses fautes au lieu de lui appliquer les remèdes convenables. Si l’enfant prodigue a mérité une punition, il l’a subie suffisamment pendant son séjour sur la terre de l’exil tout ce temps-là en effet il a été éloigné de nous, il a souffert de la faim, de la honte; il a été aux prises avec toutes ces misères: c’est pourquoi il était perdu et le voici retrouvé; il était mort et le voici ressuscité. N’examinez pas le présent, mais songez à la grandeur des calamités; c’est un frère que vous revoyez, non pas un étranger; c’est à son père qu’il revient, à son père qui ne peut pas se souvenir du passé, ou plutôt qui ne peut se souvenir que des choses bonnes à l’entraîner vers cette compassion, cette miséricorde, cette douceur, cette indulgence qui conviennent si bien à son coeur. C’est pourquoi il se souvient, dit-il, non pas de ce que le prodigue a fait, mais de ce qu’il a souffert; non pas de ce qu’il a dissipé son bien, mais de ce qu’il a enduré des maux infinis. C’est ainsi que Dieu cherche la brebis égarée avec une ardeur pareille, que dis-je? avec une ardeur plus vive encore.

Le prodigue revient de lui-même à son père; mais le bon pasteur va en personne quérir la brebis ; puis, quand il l’a retrouvée, il la ramène, et il se réjouit pour elle plus que pour toutes les autres qui étaient en parfaite sûreté. Et comment la ramène-t-il ?au lieu de la frapper, il la charge sur ses épaules, il la rapporte lui-même au bercail. (Luc, XV, 4, 6.) Si nous comprenons bien ces paraboles, nous verrons que Dieu, loin de fuir ceux qui reviennent à lui, leur réserve un accueil non moins cordial qu’à ceux qui ont persévéré constamment dans la vertu, et que, loin d’exiger d’eux une rude expiation, il va lui-même à leur recherche quand il les a retrouvés et ramenés, il a plus de joie de leur conversion qu’il n’en a de la persévérance des justes qui sont restés en position sûre. Ainsi, dans le mal ne désespérons pas; dans le bien ne nous enflons pas; lorsque nous avons accompli notre devoir, craignons que plus tard une folle confiance ne nous fasse tomber; lorsque nous avons péché, repentons-nous. Ce que j’ai dit en commençant, je le répète : nous enorgueillir quand nous sommes debout, nous désespérer quand nous sommes à terre, c’est dans l’un comme dans l’autre cas trahir notre salut.

– Saint Jean Chrysostome, Homélies sur la pénitence, première homélie.

***

Pour les hymnographes byzantins, le Carême est avant tout le temps du repentir (καιρὸς τῆς μετανοίας). Cette expression revient très fréquemment dans le Triodion pour exprimer la théologie de ce temps favorable (2 Cor. 6, 2). Le repentir est si intimement uni au jeûne et à l’ascèse qu’on peut employer indifféremment l’expression : « période de la tempérance » (καιρὸς τῆς ἐγκρατείας) ou « temps du jeûne » (χρόνος τῆς νηστείας).

La métanoia est au cœur de la spiritualité du Triode, car elle est « la reine des vertus ». Sans cette souveraine, aucune œuvre ne peut être accomplie : elle est indispensable au salut parce qu’elle engendre toutes les autres vertus. L’entrée dans la période du Carême correspond à l’ouverture des « portes du repentir », qui nous offrent à nouveau l’accès au Paradis, dont la désobéissance d’Adam avait fermé les portes, et ferment dans l’âme l’« entrée des passions ». […]

L'Evangile du fils prodigue :Monastère de la TransfigurationLa conversion n’est pas un acte solitaire, elle résulte d’une « synergie », de la coopération de l’homme et de Dieu. En quittant la terre étrangère des passions pour revenir chez son père, le prodigue a « précipité » la miséricorde divine en lui offrant l’occasion de se manifester. Et le Père vient au-devant de lui pour le recevoir dans ses bras : Comme il était encore loin, son père l’aperçut, fut pris de compassion, courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers (Lc 15, 20).

La métanoia détruit radicalement le péché et change les ténèbres en lumière par l’effet de la seule grâce divine. Car, étant le seul Pur et exempt de toute souillure, Dieu seul peut pardonner. Respectant toutefois la liberté de sa créature, Il attend patiemment que l’homme accomplisse le premier pas de ce retour.

Ainsi dit le Seigneur, je ne veux pas la mort du pécheur, mais que l’impie se convertisse de sa voie mauvaise et qu’il vive (Éz 33, 11).

Plus précisément, c’est le Christ, par son Économie, qui nous conduit au repentir et nous convertit à Lui, car Il veut sauver tous les hommes. Le pénitent est semblable à la brebis perdue que le Christ Bon Pasteur vient rechercher. Il est également la « drachme frappée à l’effigie du Roi », pour laquelle le Christ s’incarna afin d’en restaurer l’« image » ternie.

Selon l’exégèse traditionnelle transmise par les hymnographes, la parabole du Fils Prodigue est, en effet, un condensé de l’Économie de la Rédemption. La hâte du père qui vient au-devant de son fils repentant en lui tendant les bras, symbolise la condescendance du Verbe qui « vient au-devant » de l’homme déchu par l’Incarnation. Le Christ étendit ses bras sur la Croix pour compatir à toute l’humanité et la ramener dans le sein paternel en la déifiant, comme le père de la parabole étendit les bras pour recevoir tendrement son fils. Le Christ est aussi représenté par le veau gras immolé, objet de la joie éternelle des invités au banquet eschatologique.

« Pénétrons, frères, la puissance du mystère, car le fils prodigue revient de son péché vers le foyer paternel. Le Père très bon vient à sa rencontre pour l’embrasser, il lui fait don à nouveau des signes de sa propre gloire et en immolant le veau gras, il lui prépare au ciel un mystique banquet, afin que nous menions une vie digne du Sacrificateur, le Père, Ami des hommes, et du glorieux Sacrifice, le Sauveur de nos âmes. » (extrait du Triode)

Nicéphore Calliste Xanthopoulos pousse même le détail de l’exégèse jusqu’à voir dans l’habit donné par le père le symbole de la tunique baptismale, dans l’anneau la grâce du Saint-Esprit accordée par la Chrismation, dans les sandales le signe de la restauration de la liberté de l’homme et de sa victoire sur les démons, et dans le veau gras la communion au Fils immolé[532]. L’eucharistie couronnant ainsi le repentir du prodigue comme la course du Carême.

Pour saint Grégoire Palamas, les deux phases de la synergie symbolisées par cette parabole représentent les deux étapes de la vie spirituelle. La conversion, ce qui dépend de nous, est le début du penthos et de la métanoia, alors que le retour dans les bras du père marque la fin du penthos qui ignore les peines et les douleurs. On pourrait transposer ces deux étapes dans le cycle du Triode et suggérer que la Quarantaine représente l’élan de conversion du prodigue alors que la Grande Semaine serait l’image de la part de Dieu, de l’impatience divine qui vient au-devant des pécheurs par l’Incarnation et son sommet : la Passion-Résurrection. Mais, nous l’avons déjà remarqué plusieurs fois, la théologie orthodoxe n’admet pas une stricte séparation entre la nature et la grâce, entre l’acte humain et l’acte divin. Le chrétien qui est engagé sur la voie de la déification ne sort pas de sa nature, mais la restaure dans son dynamisme originel. En épousant le « tropos » de la vertu, il se conforme au comportement divino-humain du Christ dans lequel la nature divine et la nature humaine se compénètrent parfaitement (περιχώρησις). Les premiers élans du repentir, qui semblaient ne relever que de la volonté libre du pécheur, ne sont en fait possibles que parce que l’Économie de la Rédemption est déjà accomplie et que le Christ a ouvert les « portes du repentir »[534]. La filiation a été restaurée par le sacrifice du Fils unique, il reste désormais simplement à l’actualiser pendant le Carême par les œuvres de l’ascèse et de l’amour du prochain, afin de faire de la Quarantaine une « petite Pâque » :

Le Christ s’est incarné pour appeler au repentir les voleurs et les prostituées. Repens-toi mon âme, déjà la porte du Royaume est ouverte et nous y sommes devancés par les pharisiens, les publicains et les adultères repentis.

– Hiéromoine Macaire de Simonos Petra, Mystagogie du Grand Carême – essai de théologie du temps liturgique, ed. Apostolia, p.73-99.

***

Quand le plus jeune s’éloigna de son père et partit pour un pays lointain, il dissipa tout son bien, vivant dans la débauche. Comment a-t-il dissipé son bien ? Notre bien et notre richesse, c’est avant tout l’intellect (en grec noûs) qui nous est inné. Tant que nous demeurons dans le chemin du salut, il reste unifié en lui-même et avec Dieu, l’Intellect premier et suprême ; mais quand nous ouvrons la porte aux passions, aussitôt notre intellect se disperse, errant sans cesse autour des choses charnelles et terrestres, de toutes sortes de plaisirs et de pensées passionnées à leur sujet. La richesse de l’intellect, c’est la sagacité qui demeure en lui, discernant entre le bien et le mal, tant que lui-même demeure obéissant aux commandements et conseils du Père Très-Haut. Mais s’il rejette cela, alors sa sagacité se dissipe dans la fornication et la démence, partagée entre ces deux maux. Remarquez que la même chose s’applique à chacune de nos vertus et de nos forces, qui sont notre véritable richesse : sous l’influence du mal multiforme, si elles se donnent à lui, elles se dissipent. Car l’esprit a son désir orienté par nature vers le Dieu unique et véritable, le seul Bien, le seul désirable, le seul à offrir une jouissance qui n’est mêlée d’aucune tristesse. Mais une fois que l’esprit a été affaibli, la capacité de l’âme pour le véritable amour s’éloigne de ce qui est vraiment désiré et, dispersée parmi divers désirs de plaisirs sensuels, se dissipe, tirée tantôt par des désirs pour des nourritures superflues, tantôt pour des corps déshonorants, tantôt pour des objets inutiles, et parfois la vaine et infamante gloire. Ainsi, le misérable est coupé en morceaux et torturé par les soucis que ces choses apportent, et ne peut même pas profiter du simple fait de respirer ou de voir le soleil, richesses que nous partageons tous.

Quand notre esprit ne s’est pas éloigné de Dieu, sa colère ne s’excite seulement que contre le diable, et se sert de l’ardeur de l’âme contre les mauvaises passions, les maîtres des ténèbres et les esprits de méchanceté. Mais quand l’esprit ne tient pas compte des commandements divins du Seigneur, qui l’a équipé de ces armes, il s’en sert contre son prochain, fait rage contre ses compatriotes et traque ceux qui ne sont pas d’accord avec ses propres désirs absurdes. Un tel homme, hélas, devient un meurtrier. Il n’est pas seulement comme un animal, mais comme un reptile ou une créature venimeuse : un scorpion, un serpent, une des couvées de la vipère, bien qu’il fût appelé à devenir fils de Dieu. Voyez-vous comment il s’est dispersé et a perdu son bien ? « Lorsque le fils cadet eut tout dépensé, une cruelle famine toucha ce pays il commença à être dans le besoin » (Luc 15:14). Il ne songeait pas encore à revenir, prodigue qu’il était, alors « il alla donc s’engager auprès d’un des habitants de ce pays qui l’envoya garder les porcs dans ses champs. » Luc 15:15).

Qui sont les citoyens de ce pays loin de Dieu ? Les démons, bien sûr […]. La vie des porcs, en raison de son extrême saleté, est symbolique de toutes les passions. Ceux qui se vautrent dans la boue des passions sont les cochons, dont le fils cadet a été chargé, comme les dépassant tous en ce qui concerne l’indulgence envers soi-même. Mais il ne pouvait pas manger à sa faim les caroubes que les porcs mangeaient, ce qui signifiait qu’il ne pouvait pas satisfaire ses désirs. Pourquoi la nature du corps n’est-elle pas adéquate pour servir les impulsions de l’homme dissolu ? Si quelqu’un aimant l’argent obtient de l’or ou de l’argent, son besoin s’accroît, et plus il en reçoit, plus son désir augmente. Seul le monde entier pourrait satisfaire un homme avide et en quête de pouvoir, mais là encore, il se pourrait que cela ne lui soit pas suffisant. Et comme il y a beaucoup d’hommes de cette sorte mais qu’un seul monde, comment même un seul d’entre eux pourrait avoir son désir comblé ? C’est ainsi que le fils cadet, qui s’était éloigné de Dieu, n’était pas capable de manger à sa faim. Personne, est-il dit, ne lui donnait assez pour le satisfaire. Comment pourrait-il en être autrement ? Dieu était absent, dont la seule contemplation apporte une satisfaction inlassable. Comme il est dit : « Je serai satisfait quand j’aurai vu ta gloire » (Ps. 16:15 LXX). […]

Le Père des Miséricordes est descendu à sa rencontre. Il l’embrassa et ordonna à ses serviteurs, c’est-à-dire les prêtres, de le vêtir du plus beau vêtement, celui de la filiation dont il avait été auparavant revêtu par le saint baptême, et de lui mettre un anneau à la main, plaçant le sceau de la vertu contemplative sur la partie active de l’âme, symbolisée par la main, comme un gage de l’héritage à venir. Il leur ordonna également de mettre à ses pieds des chaussures comme une sainte protection et une assurance et afin de le rendre capable de marcher sur les serpents et les scorpions et toutes les puissances de l’ennemi. Puis le père ordonne d’apporter le veau gras, de l’immoler et de le lui offrir en nourriture. Ce Veau, c’est le Seigneur Lui-même, qui vient du secret de la Divinité et du trône qui existait avant toutes choses et qui, apparu sur la terre comme un homme, est immolé comme un veau pour nous pécheurs et, comme un pain suressentiel, nous est proposé en nourriture. »

– Saint Grégoire Palamas, Homélie sur la parabole du Seigneur concernant le Fils Prodigue.

Saints commémorés ce dimanche selon le nouveau calendrier

Saint Basile le confesseur, moine, compagnon de saint Procope le décapolite (VIII°) ; saints Nymphas et Eubule, apôtres (I°) ; saint Nicolas de Pskov, fol en Christ (1576) ; saint Protère, archevêque d’Alexandrie, martyr (457) ; saint Nestor, évêque de Magidos en Pamphilie, martyr, (250) ; saintes Marane et Cyre, ermites en Syrie (vers 450) ; saint Romain (463) et son frère, saint Lupicin (480), abbés fondateurs de Condat à Leucone dans le Jura ; saint Romain, évêque de Reims (vers 535) ; saint Ruellin, évêque de Tréguier (VI°) ; saint Oswald, évêque de Worcester (992) ; saint Llibio, moine en Angleterre (VI°) ; saint Kyranna, néo-martyr grec (1751). Anticipation de la fête des saints du 29 : saint Jean Cassien, abbé fondateur de monastères à Marseille (433) ; saint Germain de Dobrodja, moine (vers 410).

Extrait du synaxaire du père Macaire selon le nouveau calendrier

Le 28 février, mémoire de Sainte KYRANNA, qui accomplit son Martyre dans les tourments, en 1751.

MYSTAGOGY RESOURCE CENTER: February 2011Originaire d’un village proche de Thessalonique, la belle Kyranna menait une vie chaste et pieuse jusqu’au jour où un janissaire chargé de la collecte des impôts, dévoré d’un amour satanique à son égard, commença à la presser de ses instances. Comme la jeune fille restait inflexible, son amant déçu la conduisit de force auprès du juge de Thessalonique et, produisant d’autres soldats comme faux témoins, il prétendit qu’elle avait accepté ses propositions de mariage et lui avait promis de se convertir à l’Islam. A toutes les accusations, la vaillante servante du Christ répondait : « Moi, je suis Chrétienne, et je n’ai d’époux que le Christ, auquel j’offre en dot ma virginité. C’est Lui que j’aime et je suis prête à verser mon sang pour Lui! Voilà ma réponse et n’attendez rien d’autre de moi. » Puis, penchant pudiquement son regard vers le sol, elle s’enferma dans le silence, et son coeur se trouva alors rempli d’une joie indicible qui lui faisait oublier les horreurs des tribulations de cette vie. Désemparé par l’attitude de cette frêle jeune fille et par l’aspect radieux de son visage, le magistrat la fit jeter en prison, chargée d’entraves.

Persévérant dans ses désirs impudiques, le janissaire obtint l’autorisation de se rendre dans le cachot de la Sainte avec d’autres comparses, et ils venaient la tourmenter à tout moment par ses infâmes propositions accompagnées de menaces de mort. Comme Kyranna ne daignait même pas les regarder, ils s’acharnèrent avec fureur contre elle : l’un la frappait avec un bâton, un autre avec le plat de son épée, un autre à coups de pied ou à coups de poing. Puis, lorsqu’ils s’étaient retirés, son geôlier venait la suspendre par les aisselles et s’épuisait à la frapper à coups de verges, malgré les réprimandes et les cris de révolte des autres détenus de droit commun. Dans tous ces tourments, la Sainte Martyre restait aussi impassible que si quelqu’un d’autre souffrait à sa place, et elle refusait toute nourriture qu’on lui présentait.

Le septième jour, comme le geôlier n’avait pas permis l’entrée de la prison aux janissaires, ceux-ci le dénoncèrent au magistrat qui le convoqua pour le reprendre. A son retour, celui-ci déversa toute sa haine et sa colère sur la Sainte. Il l’avait laissée suspendue, ensanglantée, quand une lumière divine entoura soudain son corps et illumina toute la prison, pendant que son âme remontait glorieuse vers son Epoux céleste, en laissant derrière elle un sublime parfum. Le geôlier, repentant et tremblant sous les sanglots, chargea un Chrétien de décrocher le corps de la Sainte et de le préparer pour les funérailles.

Quand la nouvelle du miracle se répandit dans la ville, le lendemain, les Turcs, pleins de honte, concédèrent le corps aux Chrétiens pour qu’ils l’ensevelissent en-dehors de la ville.

Saints commémorés ce dimanche selon l’ancien calendrier

Saint Onésime, apôtre (vers 109) ; saint Paphnuce, reclus des Grottes de Kiev (XIII°) ; saint Eusèbe, ermite en Syrie (V°) ; sainte Georgette, vierge en Auvergne (VI°) ; saint Quinide, évêque de Vaison (578) ; saint Jean de Thessalonique, néo-martyr grec (1776).

Extrait du synaxaire du père Macaire selon l’ancien calendrier

Le 15 février, nous célébrons la mémoire du Saint Apôtre ONÉSIME.

Onésime (Ier siècle) — WikipédiaOriginaire de Phrygie, Onésime était esclave de Philémon, fervent Chrétien de Colosses, bien connu pour la fermeté de sa foi et pour son ardente charité. Comme il avait commis un vol au préjudice de son maître, Onésime prit la fuite et trouva refuge à Rome, où il rencontra le Saint Apôtre Paul, alors prisonnier pour le Christ. Sous l’influence de la parole apostolique, Onésime reconnut sa faute, se convertit au Christianisme, fut baptisé et ne tarda pas à montrer par sa conduite les fruits des saintes vertus. Mais comme Saint Paul ne voulait pas contrister son disciple Philémon, il lui renvoya le fugitif, avec une lettre sollicitant son pardon et son affranchissement. C’est la Lettre à Philémon, qui nous a été transmise parmi les quatorze Epîtres de Saint Paul. Le bon Philémon, consentant avec joie à la requête de l’Apôtre, accueillit Onésime, non comme un esclave mais comme un frère, et il le renvoya libre à Saint Paul, pour qu’il en fît un ministre de l’Evangile.

Après le Martyre de l’Apôtre, Onésime prêcha avec zèle la doctrine du Salut. Il fut arrêté et traduit devant Tertulle, gouverneur de Rome, qui était animé contre lui d’une haine particulière, car il avait converti la femme de son frère à la Vraie Foi. Quand Tertulle lui demanda pourquoi il avait abandonné son maître, il répondit : « Je suis maintenant serviteur du seul vrai Maître, Jésus-Christ! » – « Et qui a versé l’argent pour t’affranchir? » – « C’est le Christ, le Fils du Dieu vivant, qui m’a racheté au prix de Son propre sang », répondit avec assurance Onésime. Comme il continuait en condamnant avec mépris le culte des idoles, le gouverneur le livra à la torture. Onésime restait non seulement insensible à la douleur, mais il semblait même tirer de ces épreuves plaisir et joie. Au bout de dix-huit jours d’emprisonnement et de tortures, voyant que le Saint attirait par sa constance la sympathie d’un grand nombre de païens, le tyran l’exila à Pouzzoles, près de Naples. Malgré l’interdiction des autorités, Onésme commença aussitôt à y prêcher l’Evangile et obtint de nombreuses conversions. Lorsque Tertulle apprit ces nouvelles, il le fit arrêter de nouveau et ramener à Rome, chargé d’entraves. Comme il refusait de sacrifier et répondait avec audace aux questions du juge, on l’étendit sur le dos, les membres écartelés, en le fouettant cruellement pendant un long moment. Plus on lui arrachait la chair et plus son sang coulait à terre, plus son âme prenait de la force dans l’espérance des biens éternels. Finalement, le tyran, constatant qu’il n’obtiendrait rien, ordonna de lui rompre les membres à coups de bâtons et rentra dans le prétoire avant la fin de l’exécution.

Le Saint Apôtre expira sous les coups et ses précieux restes furent recueillis par une pieuse femme de la cité.