Jeudi de l’Ascension – 28 mai 2020

Fête de l’Ascension

Jeudi 28 mai 2020.

(15 mai dans l’ancien calendrier.)

Ce jeudi de la sixième semaine de Pâques, nous fêtons l’Ascension de notre Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus-Christ. Lorsqu’avant Sa Passion le Sauveur se trouvait avec Ses disciples, Il leur annonça la venue de l’Esprit très Saint en disant: « Il faut que Je M’en aille, car si Je ne M’en vais pas, le Paraclet ne viendra pas! » Et encore: « Lorsqu’Il viendra, Il vous enseignera toute la vérité! » C’est pourquoi, après Sa résurrection d’entre les morts, pendant quarante jours, Il se fit voir à eux, non pas constamment, mais de façon intermittente, mangeant et buvant avec eux, pour rendre plus certaine Sa résurrection. Finalement, après les avoir longuement entretenus sur le royaume de Dieu, Il leur demanda de ne pas s’éloigner de Jérusalem, mais d’y rester pour attendre la venue de l’Esprit très-Saint: dans lequel ils devaient aussi être baptisés. Car jusqu’alors, ils n’avaient été baptisés que par Jean (même si plus tard Epiphane de Chypre a raconté que Jean le Théologien aurait baptisé la Mère de Dieu et que Pierre, à son tour, aurait baptisé les autres Apôtres). Il les prie donc de rester à Jérusalem, afin que ce soit là que soit d’abord effectuée la prédication de la Bonne Nouvelle, de peur que, s’ils partaient vers d’autres lieux, il ne fût trop facile de les diviser. Comme des soldats, il fallait qu’ils s’exercent aux armes de l’Esprit, afin de marcher au combat contre les ennemis du Christ.

Lorsqu’arriva le moment de son ascension, Il les entraîna sur la montagne des Oliviers (appelée ainsi parce qu’elle est plantée de nombreux oliviers). Les ayant entretenus de ce qu’ils devaient prêcher à Son sujet jusqu’au bout de la terre et leur avoir parlé de Son royaume indissoluble, celui du siècle à venir, lorsqu’Il vit qu’ils allaient aussi L’interroger sur ce qu’il ne fallait pas, Il fit venir auprès d’eux, alors que Sa Mère immaculée était aussi présente en ce lieu, des Anges qui leur montrèrent Sa montée vers les cieux. A leur vue, Il fut ravi du milieu d’eux, s’élevant dans la nuée, qui le reçut. Ainsi escorté par les Anges, qui l’un à l’autre se disaient d’élever les portes des cieux et qui s’étonnaient de Sa chair rougie par le sang, Il monta et S’assit à la droite du Père, divinisant Sa chair et, j’ose dire, la rendant semblable à Dieu, de sorte que par elle nous avons été réconciliés, absous de l’antique inimitié. Quant aux Apôtres, des Anges ayant l’aspect d’hommes survinrent pour leur dire: Hommes de Gallilée, pourquoi restez-vous dans l’étonnement, à regarder vers le ciel? Ce Jésus que vous avez vu comme Dieu dans la chair, Lui-même reviendra, et ce dans sa chair, non pas de la manière pauvre et modeste qu’Il avait auparavant, mais avec grande gloire, comme vous le voyez maintenant escorté par les Anges.

Alors les Apôtres, cessant de regarder, retournèrent de la montagne des Oliviers. Elle se trouve près de Jérusalem, à une distance de deux mille quarante pieds, le chemin qu’il est permis de faire un jour de sabbat. Et si la loi de Moïse permet de faire ce chemin un jour de sabbat, c’est parce que la tente du témoignage se trouvait à cette distance du camp des Hébreux. Car le sabbat, il était permis aux fidèles de s’y rendre, mais ils ne pouvaient marcher au-delà, c’est pourquoi on appela cette distance: chemin de sabbat. De là, certains ont cru que l’Ascension du Christ avait eu lieu un jour de sabbat, ce qui jusque-là était impensable.

De retour, les Apôtres montèrent à la chambre haute, dans laquelle ils demeuraient, avec les femmes myrophores et la Mère du Verbe, s’adonnant au jeûne, à la prière et l’oraison, et attendant la venue de l’Esprit très-Saint, comme ils en avaient reçu la promesse.

Péricopes de ce jeudi

Lecture des Actes des Apôtres (1, 1-12)

Mon premier livre, Théophile, je l’ai consacré à tout ce que Jésus s’est mis à faire et à enseigner jusqu’au jour où, après avoir donné ses ordres aux apôtres qu’il avait choisis, il fut enlevé au ciel par le Saint Esprit. Après sa passion, il leur apparut vivant, et leur en donna plusieurs preuves, se montrant à eux pendant quarante jours, et parlant des choses qui concernent le royaume de Dieu. Au cours d’un repas qu’il prenait avec eux, il leur recommanda de ne pas s’éloigner de Jérusalem, mais d’attendre ce que le Père avait promis, « ce que je vous ai annoncé, leur dit-il ; car Jean a baptisé d’eau, mais vous, dans peu de jours, vous serez baptisés du Saint Esprit. » Alors les apôtres réunis lui demandèrent : « Seigneur, est-ce en ce temps que tu rétabliras le royaume d’Israël ? » Il leur répondit : « Ce n’est pas à vous de connaître les temps ou les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. Mais vous recevrez une puissance, le Saint Esprit descendant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. »
Après avoir dit cela, il fut élevé pendant qu’ils le regardaient, et une nuée le déroba à leurs yeux. Et comme ils avaient les regards fixés vers le ciel pendant qu’il s’en allait, voici que deux hommes vêtus de blanc leur apparurent et dirent : « Hommes Galiléens, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel ? Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu aller au ciel. » Alors, depuis le mont des oliviers, qui est près de Jérusalem, à la distance d’un chemin de sabbat, ils s’en retournèrent à Jérusalem.

Первую книгу написал я к тебе, Феофил, о всем, что Иисус делал и чему учил от начала до того дня, в который Он вознесся, дав Святым Духом повеления Апостолам, которых Он избрал, которым и явил Себя живым, по страдании Своем, со многими верными доказательствами, в продолжение сорока дней являясь им и говоря о Царствии Божием. И, собрав их, Он повелел им: не отлучайтесь из Иерусалима, но ждите обещанного от Отца, о чем вы слышали от Меня, ибо Иоанн крестил водою, а вы, через несколько дней после сего, будете крещены Духом Святым. Посему они, сойдясь, спрашивали Его, говоря: не в сие ли время, Господи, восстановляешь Ты царство Израилю? Он же сказал им: не ваше дело знать времена или сроки, которые Отец положил в Своей власти, но вы примете силу, когда сойдет на вас Дух Святый; и будете Мне свидетелями в Иерусалиме и во всей Иудее и Самарии и даже до края земли. Сказав сие, Он поднялся в глазах их, и облако взяло Его из вида их. И когда они смотрели на небо, во время восхождения Его, вдруг предстали им два мужа в белой одежде и сказали: мужи Галилейские! что вы стоите и смотрите на небо? Сей Иисус, вознесшийся от вас на небо, придет таким же образом, как вы видели Его восходящим на небо. Тогда они возвратились в Иерусалим с горы, называемой Елеон, которая находится близ Иерусалима, в расстоянии субботнего пути.

Lecture de l’Évangile selon saint Luc (24, 36-53)

En ce temps-là, tandis que les disciples parlaient , Jésus se présenta au milieu d’eux, et leur dit : « La paix soit avec vous ! » Saisis de frayeur et d’épouvante, ils croyaient voir un esprit. Mais il leur dit : « Pourquoi êtes-vous troublés, et pourquoi pareilles pensées s’élèvent-elles dans vos cœurs ? Voyez mes mains et mes pieds, c’est bien moi ; touchez-moi et voyez : un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’en ai. » Et en disant cela, il leur montra ses mains et ses pieds. Comme, dans leur joie, ils ne croyaient point encore, et qu’ils étaient dans l’étonnement, il leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? » Ils lui présentèrent du poisson rôti et un rayon de miel. Il en prit, et il mangea devant eux. Puis il leur dit : « C’est là ce que je vous disais lorsque j’étais encore avec vous, qu’il fallait que s’accomplît tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les prophètes, et dans les psaumes. » Alors il leur ouvrit l’esprit, afin qu’ils comprennent les Écritures. Et il leur dit : « C’est comme il est écrit : le Christ souffrira, et il ressuscitera des morts le troisième jour, et la repentance et le pardon des péchés seront prêchés en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. Vous êtes témoins de ces choses. Et moi, j’enverrai sur vous ce que mon Père a promis ; mais vous, restez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la puissance venue d’en haut. » Il les conduisit jusque vers Béthanie, et, ayant levé les mains, il les bénit. Pendant qu’il les bénissait, il se sépara d’eux, et fut enlevé au ciel. Quant à eux, après l’avoir adoré, ils retournèrent à Jérusalem avec une grande joie ; et ils étaient continuellement dans le temple, louant et bénissant Dieu.

Когда они говорили о сем, Сам Иисус стал посреди них и сказал им: мир вам. Они, смутившись и испугавшись, подумали, что видят духа. Но Он сказал им: что смущаетесь, и для чего такие мысли входят в сердца ваши? Посмотрите на руки Мои и на ноги Мои; это Я Сам; осяжите Меня и рассмотри́те; ибо дух плоти и костей не имеет, как видите у Меня. И, сказав это, показал им руки и ноги. Когда же они от радости еще не верили и дивились, Он сказал им: есть ли у вас здесь какая пища? Они подали Ему часть печеной рыбы и сотового меда. И, взяв, ел пред ними. И сказал им: вот то, о чем Я вам говорил, еще быв с вами, что надлежит исполниться всему, написанному о Мне в законе Моисеевом и в пророках и псалмах. Тогда отверз им ум к уразумению Писаний. И сказал им: так написано, и так надлежало пострадать Христу, и воскреснуть из мертвых в третий день, и проповедану быть во имя Его покаянию и прощению грехов во всех народах, начиная с Иерусалима. Вы же свидетели сему. И Я пошлю обетование Отца Моего на вас; вы же оставайтесь в городе Иерусалиме, доколе не облечетесь силою свыше. И вывел их вон из города до Вифании и, подняв руки Свои, благословил их. И, когда благословлял их, стал отдаляться от них и возноситься на небо. Они поклонились Ему и возвратились в Иерусалим с великою радостью. И пребывали всегда в храме, прославляя и благословляя Бога.

Paroles des Pères

Disons donc encore : «Seigneur, notre Dieu, comme ton Nom est admirable sur toute la terre ! Parce que ta Magnificence a été exaltée au-dessus des cieux !» (Ps 8,2-3), afin que nous sachions clairement que l’incarnation du Seigneur et son ascension de la terre aux cieux, dont nous fêtons aujourd’hui la mémoire, ont rempli le monde de la science de Dieu. Car tant qu’Il était sur la terre, la plupart se faisaient une petite idée de la grandeur de sa Gloire, mais maintenant qu’Il est visiblement monté aux cieux, accomplissant comme il convenait toute la Volonté de son Père, la création entière a été remplie d’admiration et de science en voyant le Seigneur de toutes choses monté ou enlevé. Il a été enlevé ou exalté au-dessus de tous les cieux, selon la prophétie, en tant qu’homme, mais Il est monté, en tant que Dieu : «Dieu, est-il écrit, est monté parmi les acclamations, le Seigneur au son de la trompette» (Ps 46,6).

Or le prophète n’aurait pas employé ces expressions s’il n’avait sans erreur, des yeux de la prescience, contemplé d’avance sa descente. Comment eût-il été logique de dire : «Élève-toi sur les cieux, ô Dieu, et que ta Gloire dépasse toute la terre», ou encore «Dieu est monté parmi les acclamations», si le théologien n’avait contemplé, de la prescience de l’Esprit, à la fois sa descente et son ascension ? C’est pourquoi, comme je l’ai dit, il parle tantôt de son exaltation, tantôt de son ascension, pour que nous croyions que le même Seigneur est homme et Dieu en une seule personne. Par sa Divinité en effet, Il est monté; par son Corps, on dit qu’Il a été exalté, c’est-à-dire assumé. Ainsi donc, de toute façon, il faut penser que c’est le même qui est descendu, puis monté au-dessus de tous les cieux, pour remplir tout de sa Bonté et, après avoir soustrait ses apôtres aux passions du péché par la descente du saint Esprit, les exalter à tout jamais. Pourquoi dit-il en effet : «Élève-toi sur les cieux, ô Dieu, et que ta Gloire dépasse toute la terre, afin que tes bien-aimés soient sauvés» (Ps 56,6;59,7) ? Car ils sont réellement au premier chef les bien-aimés du Seigneur, ceux qui, ayant en toutes choses partagé sa passion, sont devenus les témoins oculaires et les hérauts de sa Grandeur. C’est donc un seul et même Seigneur que les prophètes annonçaient; mais le mode de son incarnation, ils ne l’ont pas, comme certains aujourd’hui le veulent, confondu en une seule nature : les termes qui se rapportaient à sa Divinité, ils les ont énoncés divinement; ceux qui avaient trait à son Corps, humainement; afin d’enseigner clairement que le Seigneur qui est monté ou a été exalté aux cieux, en ce qu’Il est, est du Père; en ce qu’Il est né de la Vierge, reste homme, un en forme et un en personne. Lui, en effet, qui était incorporel, ayant pris figure en assumant la chair est pour cette raison monté visiblement là d’où Il était descendu invisiblement en S’incarnant. C’est pourquoi Il a été assumé en gloire, on a cru en Lui à cause de sa Puissance, on L’attend dans la crainte et on s’attend que la nuée prophétique Lui serve à nouveau pour redescendre. Et, en effet, les prophètes ont prédit qu’alors elle Lui servirait, afin qu’une substance corporelle et légère apparût à nouveau porteuse du Seigneur revêtu d’un corps. Car Il porte tout, je l’ai dit, par sa Volonté comme Dieu; mais Il sera porté par la nuée comme homme afin que cet ami de nos âmes ne renie pas, même alors, les lois de la nature qu’Il a adoptée.

Aussi le divin Paul nous a-t-il appris en outre que les saints eux-mêmes seraient enlevés sur des nuées quand arriverait le Seigneur dont on attend la venue sur une nuée. Car ce qui convient au Dieu incarné du fait de son Corps, cela conviendra aussi à ceux qu’Il déifiera par la richesse de sa Grâce, puisque Dieu a pris à coeur de faire dieux les hommes. Ainsi donc, que nul ne suppose que la densité de la nature humaine à laquelle nous avons vu participer, substantiellement, le saint Verbe de Dieu, ait été altérée, mes frères, dans l’irradiation de la divine et glorieuse Substance, par la vérité des deux natures qui existent inséparablement en Lui. Car ce n’est pas pour tromper l’imagination de sa créature que le Dieu glorieux S’est incarné, mais pour ruiner à jamais, en partageant notre nature, l’habitude du mal semée en elle par le serpent. C’est donc l’habitude, non la nature, que l’incarnation du Verbe a changée, pour que nous dépouillions le souvenir du mal et revêtions l’Amour de Dieu : non pas transformés en ce que nous n’étions pas, mais renouvelés glorieusement par la transformation en ce que nous étions.

A Lui donc, gloire et victoire pour être descendu des cieux invisiblement et monté aux cieux visiblement, Lui qui est avant les siècles et maintenant et toujours et dans

– Saint Diadoque de Photicé, Sermon sur l’Ascension.

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Mais en cette solennité, frères très chers, il nous faut considérer avant tout que le décret qui nous condamnait a été aujourd’hui abrogé, et abolie la sentence qui nous vouait à la corruption. Car cette même nature à qui il avait été dit : « Tu es terre, et dans la terre tu iras (Genèse III, 19), est aujourd’hui montée au ciel. C’est en vue de cette élévation de notre chair que le bienheureux Job, parlant du Seigneur d’une manière figurée, le nomme un oiseau. Considérant que le peuple juif ne comprendrait pas le mystère de l’Ascension, Job déclare à propos du manque de foi de ce peuple : « Il n’a pas reconnu la route de l’oiseau. » (Job XXVIII, 7). C’est à juste titre que le Seigneur a été appelé « oiseau », puisque son corps de chair s’est élancé vers l’éther. Celui qui n’a pas cru à l’Ascension du Seigneur au ciel n’a pas reconnu la route de cet oiseau.

C’est de la fête d’aujourd’hui que le psalmiste affirme : « Ta magnificence s’est élevée au-dessus des cieux. » (Ps VIII, 2). Et encore : « Dieu est monté au milieu d’une grande joie, le Seigneur au son de la trompette. » (Ps 47, v 6) . Et enfin : « Montant sur les hauteurs, il a emmené en captivité notre nature captive ; il a offert des dons aux hommes. »(Ps 68, 19). Oui, montant sur les hauteurs, il a emmené en captivité notre nature captive, puisqu’il a détruit notre corruption par la puissance de son incorruptibilité. Il a également offert des dons aux hommes : ayant envoyé du Ciel l’Esprit, il a accordé à l’un une parole de sagesse, à un autre une parole de science, à un autre le pouvoir d’opérer des miracles, à un autre le don des guérisons, à un autre la diversité des langues, à un autre l’interprétation de la parole. Il a donc bien offert des dons aux hommes. […]

Il nous faut donc, frères très chers, suivre le Seigneur par le coeur là où nous croyons qu’il est monté par le corps. Fuyons les désirs terrestres, et que rien parmi les choses d’ici-bas ne puisse désormais nous séduire, nous qui avons un Père dans les cieux. Considérons bien que celui qui s’est élevé au ciel tout pacifique sera terrible lors de son retour, et que tout ce qu’il nous a commandé avec douceur, il l’exigera alors avec rigueur. Faisons donc tous grand cas du temps qui nous est accordé pour faire pénitence ; prenons soin de notre âme tant que c’est possible. Car notre Rédempteur reviendra nous juger d’autant plus sévèrement qu’il se sera montré plus patient avant le jugement.

Souciez-vous donc de ces choses, mes frères, et ressassez-les en toute sincérité. Bien que votre âme soit encore ballottée par le remous des affaires, jetez pourtant dès maintenant l’ancre de votre espérance dans la patrie éternelle ; affermissez l’orientation de votre esprit dans la vraie lumière. Le Seigneur est monté au ciel, ainsi que nous venons de l’entendre ; méditons donc sans cesse ce que nous croyons. Et si nous sommes encore retenus ici-bas par l’infirmité de notre corps, suivons cependant notre Dieu à pas d’amour. Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui nous a donné un tel désir, ne le laissera pas sans réponse, lui qui, étant Dieu, vit et règne avec Dieu le Père dans l’unité du Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Amen.

– Saint Grégoire le Grand, Homélie sur l’Ascension, prononcée le 24 mai 591.

Saints célébrés ce dimanche selon le nouveau calendrier

Saint Eutyque, évêque de Mélitène, martyr (Ier s.) ; sainte Héliconide, vierge, martyre à Corinthe (244) ; saint Manvieu, évêque de Bayeux (480) ; saint Rigomer, évêque de Meaux (Vème s.) ; saint Germain, évêque de Paris (576) ; saint hiéromartyr Helladios, évêque (VIème-VIIème s.) ; saint Nicétas, évêque de Chalcédoine, confesseur (IXème s.) ; saint Ignace, évêque de Rostov (1288) ; saint Géronte, métropolite de Moscou (1489) ; sainte Hélène de Diveevo (1832) ; saints néomartyrs de Russie : Macaire (Morjov), Denis (Petouchkov), saint hiéromartyr Nicolas (Aristov), diacre, martyrs Ignace (Markov) et Pierre (Ioudine) (1931) ; saint Héraclée (Motiakh), confesseur (1936) ; sainte martyre Hermogèna (Kadomtsev) (1942).

Saints célébrés ce dimanche selon l’ancien calendrier

Saint Pacôme le Grand, fondateur du cénobitisme en Haute-Égypte (348) ; saint hiéromartyr Euphrase, évêque, patron d’Ajaccio (Ier s.) ; saints Cassius, Victorin, Maxime et leurs compagnons, martyrs en Auvergne (260) ; saint Achille, évêque de Larissa en Thessalie (vers 330) ; saints Barbare, guerrier, Callimaque et Denis, martyrs à Méthone (361) ; saint Rhétice, évêque d’Autun (IVème s.) ; saint Primaël, ermite au diocèse de Quimper (vers 450) ; saint Franchy, ermite dans le Nivernais (VIIème s.) ; saint Isaïe, évêque de Rostov, thaumaturge (1090) ; saint Isaïe des Grottes de Kiev (1115) ; saint Pacôme de Nerekhta (1384) ; saint Euphrosynius de Pskov et son disciple Sérapion (1481) ; saint Dimitri, tsarévitch d’Ouglitch et de Moscou, enfant assassiné (1591).

Extrait du Synaxaire du hiéromoine Macaire selon le nouveau calendrier

Ce jeudi, nous célébrons la mémoire de saint Eutyque. Saint Eutyque se livra volontairement aux persécuteurs et, crachant avec mépris sur les idoles, il confessa notre Seigneur Jésus-Christ comme seul vrai Dieu. Il fut soumis à de nombreux supplices, qu’il endura par la grâce du Christ qui demeurait en lui. Finalement, il fut jeté à la mer et trouva ainsi la fin glorieuse qu’il avait souhaitée.

Ce jeudi, nous célébrons la mémoire de saint Germain, évêque de Paris. Notre saint Père Germain naquit au début du VIe siècle à Autun. À l’issue de ses études, il se retira chez un de ses parents et mena avec lui, pendant quinze ans, une vie agréable à Dieu, dans l’ascèse, la prière et les hymnes. La bonne odeur de ses vertus s’étant répandue dans la région, l’évêque d’Autun l’ordonna prêtre (530), puis le successeur de ce dernier, le mit à la tête du fameux monastère de Saint-Symphorien. Son austérité le mettait parfois en opposition avec l’évêque, ce qui lui valut même, une fois, d’être jeté en prison. La porte de la cellule s’ouvrit toute seule, mais le saint n’accepta de la franchir qu’après en avoir reçu l’ordre.

Vers 555, il fut convoqué à Paris par le roi Childebert et désigné pour être consacré évêque de la cité. Dans cette nouvelle charge, l’humble Germain ne changea rien à l’austérité de sa vie ni à son costume. Jusqu’à la fin de ses jours, il resta moine et ascète, ajoutant à sa tension vers la perfection évangélique le souci du salut de son peuple qu’il exhortait assidûment. Sa prédication était soutenue avec éclat par le don des miracles, que Dieu lui avait abondamment accordé. Il guérissait quantité d’infirmes et de malades par sa prière, et délivrait les possédés qu’il gardait plusieurs jours auprès de lui afin de prier pour eux. Sa renommée de thaumaturge s’étant répandue au loin, on se servait de tout objet qu’il avait béni ou seulement touché, pour l’envoyer à ceux qui étaient éprouvés, et, par la grâce de Dieu, ils étaient délivrés de leurs maux. Inlassable dans l’aumône, Germain y consacrait l’essentiel des ressources de son Église, et lorsque ces dernières ne suffisaient pas, il avait recours au roi Childebert, qui lui portait une grande admiration depuis qu’il avait été guéri par le saint d’une grave maladie. La miséricorde de saint Germain s’étendait à tous, bons et méchants ; et, quand il le pouvait, il faisait relâcher tous les prisonniers et libérait les esclaves de toutes nationalités. En sa personne, les chrétiens de Paris croyaient voir revivre saint Denis, leur patron [9 oct.]. Il encouragea le culte des saints locaux, et prenait un soin particulier de la beauté et de la dignité des offices liturgiques : on estime que nombre de particularités de la Liturgie des Gaules d’alors furent probablement dues à son influence. Grâce au soutien du souverain, il fonda un monastère, dédié à la Sainte-Croix et à Saint-Vincent, connu depuis sous le nom de Saint-Germain-des-Prés. Il fit venir des moines de Saint-Symphorien, afin d’y faire observer leur Règle, issue du monastère de Lérins. Parfait connaisseur de la tradition ecclésiastique, saint Germain veillait avec un soin vigilant sur la paix et l’unité de l’Église des Gaules. Il prit une part prépondérante au Concile de Tours (566) et convoqua deux conciles à Paris (557, 573).

Après la mort de Childebert (558), Paris devint la capitale du royaume uni de Clotaire qui témoigna au saint évêque la même déférence que son frère, grâce à l’influence de sa femme, sainte Radegonde [13 août]. Lorsque la reine décida de prendre le voile dans le monastère de la Sainte-Croix, qu’elle avait fondé à Poitiers, saint Germain supplia le roi de ne pas faire obstacle à sa vocation, et il entretint avec elle par la suite des relations suivies de direction spirituelle. À la fin du court règne de Clotaire (561), le royaume fut de nouveau divisé entre ses quatre neveux : Caribert, Gontran, Sigebert et Chilpéric. Caribert, le roi de Paris, était un homme impie et dévoyé, il pillait les églises et avait épousé deux sœurs. Il méprisa l’excommunication prononcée par le saint, mais, peu après, Dieu le frappa de mort, ainsi que l’une de ses épouses. Saint Germain s’efforça, mais en vain, de réconcilier Brunehaut, femme de Sigebert, et Frédégonde, épouse de Chilpéric. Après l’assassinat de la sœur de Brunehaut, sous l’instigation de Frédégonde (575), Sigebert entra en guerre contre Chilpéric. Passant par Paris, il y rencontra le saint évêque, qui tenta de lui faire renoncer à son projet de vengeance et lui dit : « Si tu prépares une fosse pour ton frère, tu tomberas dedans. » Sigebert négligea ce conseil, et mourut assassiné. Après avoir été, pendant de longues années, un artisan de paix et un pasteur exemplaire, saint Germain s’endormit dans le Seigneur, le 28 mai 576, et fut enterré dans l’église de son monastère parisien. Lors du grand incendie qui ravagea Paris en 585, il apparut pour libérer les prisonniers qui allèrent aussitôt se réfugier auprès de son tombeau. Par la suite, il resta un des saints les plus vénérés du peuple, tant à Paris et en Gaule, que dans tout le reste de l’Église latine.

Extrait du Synaxaire du hiéromoine Macaire selon l’ancien calendrier

Ce dimanche, nous célébrons la mémoire de saint Pacôme le Grand. Notre bienheureux Père Pacôme naquit de parents païens en Haute Égypte, vers 292, mais dès son enfance il ressentit une vive répulsion à l’égard du culte idolâtre et montra un penchant naturel pour le bien. Enrôlé de force dans l’armée lors de la campagne de Maximin-Daïa contre Licinius (312), il fut ému par l’attitude charitable des chrétiens de Thèbes envers les conscrits, que l’on traînait sans ménagement vers leur garnison comme des prisonniers. Bientôt libéré, il fut baptisé au village de Schenesèt et, la nuit suivante, il vit une rosée descendre du ciel et se répandre sur sa tête, puis elle se condensa dans sa main droite et devint du miel qui s’écoula sur toute la terre. Il commença aussitôt à mener une vie ascétique, en se guidant selon sa conscience, et à servir les habitants du lieu, surtout lors d’une épidémie de peste. Au bout de trois ans, incommodé par la fréquentation des séculiers et mû désormais par un violent amour pour Dieu seul, il devint disciple d’un saint vieillard, rude et austère, qui vivait en reclus en dehors du village : saint Palamon [12 août].

Après l’avoir rudement éprouvé, celui-ci le revêtit de l’Habit monastique et lui enseigna à veiller comme il le faisait lui-même, la moitié de la nuit, et souvent la nuit entière, en récitant des passages de l’Écriture sainte, à jeûner tous les jours jusqu’au soir en été, et à ne manger en hiver qu’un jour sur deux ou trois, sans jamais consommer ni huile, ni vin, ni mets cuits. Leur office liturgique consistait en cinquante groupes de psaumes conclus par une prière pendant la nuit, et soixante pendant la journée, sans compter le perpétuel souvenir de Dieu qu’ils entretenaient dans leur esprit et dans leur cœur, selon la recommandation de l’Apôtre (2 Th 5, 17).
Pour subvenir à leurs besoins, et surtout au soin des pauvres, ils tressaient des objets en fil, en poil ou en fibre de palmier, et travaillaient même pendant la nuit, en récitant la parole de Dieu, afin de lutter contre le sommeil. Si, malgré le travail manuel, le sommeil les accablait, ils se levaient et allaient transporter du sable dans des paniers, d’un endroit du désert à l’autre. Un jour de Pâques, Pacôme versa un peu d’huile sur le sel écrasé qui était leur nourriture habituelle. Palamon se frappant le visage, se mit alors à pleurer et dit : « Hier, mon Seigneur a été crucifié, et moi je mangerais aujourd’hui de l’huile ! »

Pacôme supportait non seulement de bon gré la rigoureuse discipline du vieillard, mais il s’appliquait surtout à garder son cœur pur par une stricte vigilance sur ses pensées, dépensant toutes les ressources de son esprit à apprendre par cœur les paroles de Dieu afin de les faire siennes. Il avait coutume de s’éloigner dans le désert pour prier ou de se tenir debout, la nuit entière, dans les tombeaux, en tendant les mains vers le ciel comme s’il était crucifié, et versant tant de sueur que le sol en devenait boueux à ses pieds. Pendant ces prières nocturnes, les démons s’acharnaient contre lui et l’attaquaient ouvertement, mais l’homme de Dieu les couvrait de confusion en louant Dieu et en se moquant de leurs vains artifices. Comme leurs attaques se faisaient plus pressantes, il affligea davantage son corps et demanda à Dieu de lui retirer le sommeil jusqu’à ce qu’il remporte définitivement la victoire. Il fut exaucé, et acquit dès lors une telle faveur auprès de Dieu, que son corps jouissait déjà en partie de l’incorruptibilité promise aux élus : il pouvait marcher sans danger sur les serpents et les scorpions, et traverser le Nil au milieu des crocodiles.

Au bout de quatre ans de luttes, la vision de la rosée céleste se renouvela, mais il attendit encore trois années avant de s’éloigner seul dans le désert. Lorsqu’il parvint à un lieu nommé Tabennêsis, sur la rive nord-est du Nil, il entendit une voix céleste qui lui ordonnait d’y rester pour y fonder un monastère. Ayant obtenu l’autorisation de Palamon, juste avant son décès, Pacôme s’y installa et s’adonna seul à de grandes ascèses, jusqu’à ce que son frère aîné, Jean, vînt le rejoindre. Mettant tout en commun, ils vivaient dans un grand renoncement et distribuaient aux pauvres le fruit de leur travail, en ne gardant que le strict nécessaire pour vivre : deux pains et un peu de sel par jour. À la fin de leur veille quotidienne, ils prenaient un peu de repos, assis, sans s’appuyer le dos au mur. Pendant le jour, ils s’exposaient aux ardeurs du soleil, gardant en esprit la Passion de notre Seigneur Jésus-Christ et les épreuves des martyrs.

Un jour, un ange de Dieu apparut à Pacôme pendant sa vigile et lui dit à trois reprises : « Pacôme, la volonté de Dieu est que tu serves la race des hommes, pour les réconcilier avec Lui. » Dès lors, des hommes des villages environnants se rassemblèrent autour de lui pour mener ensemble la vie ascétique : chacun vivait séparément, comme il l’entendait, et fournissait sa part pour les besoins matériels de la communauté. Pacôme se mettait humblement à leur service, préparait la nourriture qu’ils désiraient, recevait les hôtes et servait les frères quand ils étaient souffrants, alors qu’il se contentait pour lui-même de pain et de sel en tout temps. Ces hommes rudes ne lui montraient cependant aucun respect, ils méprisaient son humilité et se moquaient même de lui. L’homme de Dieu prit patience pendant cinq ans, jusqu’au jour où, après en avoir reçu l’ordre de Dieu au cours d’une nuit de prière, il leur imposa une règle de vie commune et chassa avec autorité tous ceux qui ne voulaient pas s’y conformer . De nouveaux candidats à la vie monastique s’étant présentés, Pacôme, après les avoir suffisamment éprouvés, leur imposa de vivre « selon les Écritures », en mettant tout en commun, dans une parfaite égalité, à l’imitation de la communauté apostolique (cf. Act 2). Se mettant à leur service comme auparavant, il leur enseignait à porter leur croix pour suivre le Christ et à n’avoir d’autre souci que de repasser dans leur esprit les paroles du Seigneur. On rapporte qu’un ange, vêtu en moine, lui montra le modèle de leur habit et lui remit une tablette sur laquelle était inscrite la règle de la communauté. Elle prescrivait de donner à manger et à boire à chacun en fonction de sa constitution et de son travail, sans empêcher ceux qui voulaient pratiquer davantage l’ascèse. Ils devaient vivre dans des cellules séparées, regroupées en « maisons » , selon leurs affinités ou leurs occupations, et se réunir trois fois par jour pour adresser à Dieu douze groupes de psaumes et de prières. Comme Pacôme objectait que cela ne faisait pas beaucoup de prières, l’ange répondit : « Tout ce que je prescris c’est pour être sûr que même les petits pourront observer la règle sans découragement. Quant aux parfaits, ils n’ont pas besoin de loi, puisque dans leur cellule, ils consacrent leur vie entière à la contemplation de Dieu » .

Lorsque les frères atteignirent le nombre de cent, Pacôme leur bâtit une église dans le monastère ; et, le dimanche, il invitait un prêtre du village à venir célébrer la divine Liturgie, car il refusait qu’aucun des moines ne soit ordonné clerc, de crainte que la vaine gloire et la jalousie ne viennent rompre leur belle harmonie. Peu après sa consécration comme archevêque d’Alexandrie, saint Athanase rendit visite au monastère de Tabennêsis (329), mais Pacôme, ayant appris qu’on voulait l’ordonner prêtre, se cacha jusqu’au départ du prélat.

La communauté, appelée par lui Koinonia , devenant nombreuse, Pacôme désigna des frères affermis dans la vertu pour l’assister : l’un comme administrateur du service matériel, avec un second, d’autres comme responsables des « maisons » ; d’autres encore étaient chargés du soin des malades, de la réception des hôtes ou de la vente à l’extérieur des produits fabriqués au monastère. Trois fois par semaine, saint Pacôme instruisait lui-même l’ensemble de la communauté, en interprétant les Écritures et, aux deux jours de jeûnes, les chefs des maisons faisaient à leur tour une catéchèse destinée à leurs moines respectifs.

La sœur de Pacôme, Marie, étant elle aussi venue le rejoindre, le saint lui fit construire un monastère, dans le village, où de nombreuses sœurs se rassemblèrent pour y mener une vie toute semblable à celle des moines, guidées par un vieillard grave et avisé, nommé Pierre.

Le saint recevait avec circonspection les candidats qui se présentaient et n’acceptait qu’un petit nombre de ceux qui avaient mené auparavant une vie impure ou avaient un caractère revêche, de peur qu’ils n’entraînassent les autres frères dans la perdition. Mais pour ceux d’entre eux qu’il acceptait, il luttait avec eux jour et nuit, afin de les tirer de l’asservissement aux passions. Lorsqu’il trouvait des moines rétifs, il essayait de les corriger et priait instamment pour eux, en ajoutant à ses jeûnes, ses veilles et ses macérations, afin qu’ils se repentissent et apprennent le mystère de la vie monastique et la paix que l’on tire de l’obéissance. S’ils persistaient néanmoins à contredire, il les renvoyait de la communauté, pour ne pas empêcher les autres frères de croître dans la crainte de Dieu. Une année, il renvoya ainsi jusqu’à cent moines, sur les trois cents que comportait la communauté.

Grâce à son don de clairvoyance, saint Pacôme devinait les fautes et les pensées perverses des frères, et il savait les guérir avant qu’ils ne commettent le péché. Bien qu’il guérît des malades et délivrât des possédés, tant parmi les frères que parmi les séculiers qui se pressaient au monastère, il s’en remettait en tout à la volonté de Dieu et ne se fâchait jamais quand le Seigneur n’exauçait pas sa prière. Il enseignait que supérieures aux guérisons corporelles sont les guérisons spirituelles des âmes qui, de l’erreur ou de la négligence, parviennent à la connaissance du vrai Dieu et au repentir. Il ne demandait jamais à Dieu de recevoir des visions, car elles peuvent être une voie d’illusion, et disait : « Si tu vois un homme pur et humble, c’est une grande vision. Quoi de plus grand en effet que de voir Dieu invisible dans un homme visible, temple de Dieu. »

Même lorsqu’il était accablé par la maladie, le bienheureux refusait de se faire servir ou de s’accorder un quelconque soulagement. Il n’acceptait qu’un seul remède : le Nom du Seigneur, et enseignait aux malades par son exemple à supporter avec patience et actions de grâces leurs maux, afin de remporter une double couronne : celle de l’ascèse et de la patience dans les épreuves. Dans les maladies des frères, il savait discerner infailliblement celles qui étaient provoquées par les démons ou par un effet de leurs passions, et il leur enseignait à les vaincre par la bonne résolution de l’âme. Mais lorsqu’il s’agissait de véritables faiblesses du corps, il venait alors lui-même servir les malades et n’hésitait pas à donner à certains de la viande en nourriture, en dépit de l’usage monastique.

Le nombre des frères ne cessant de croître, Pacôme alla fonder, à la suite d’une vision, un autre monastère, à Pabau (en copte : Phbôou), un peu en aval du Nil (environ 3 km de Tabennêsis). Il le fit construire très vaste et l’organisa de la même manière que Tabennêsis. Lorsque Pabau fut peuplé, le supérieur d’un monastère appelé Chenoboskion (Senesêt) demanda au saint de placer sa communauté sous sa juridiction, avec les mêmes règles de vie. Pacôme s’y rendit avec quelques frères qu’il laissa là pour y instruire les moines sur la discipline de la Koinonia. Il fit de même pour le monastère de Monchôsis (Thmousons) ; puis, à la suite d’une nouvelle vision, il alla fonder un nouveau monastère à Tsè (Tasé). À la requête de l’évêque de Panopolis (Smin), il en fonda un autre dans cette région, peinant lui-même avec les frères pour la construction des bâtiments. Peu après, un notable, Pétronios, [23 oct.] offrit le monastère qu’il avait fondé à Thbéou (Tébeu), dans la région de Diospolis. Saint Pacôme mit un certain Apollonios à la tête du monastère, et fit de Pétronios le supérieur d’une autre fondation : Tsmine (Tsménai), proche de Panopolis. Enfin, après une nouvelle vision, il fonda un très grand monastère à Phnoum (Pichnoum), loin au sud, dans le désert de Snê. Cette vaste congrégation de neuf monastères et deux couvents féminins, comptait trois mille moines durant la vie de saint Pacôme et jusqu’à sept mille par la suite. Tous y vivaient dans l’harmonie et la fidélité aux lois instituées par l’homme de Dieu. Chez eux il n’y avait aucun souci pour les affaires du monde et ils étaient constamment transportés au ciel, à cause de leur hésychia et de leur genre de vie semblable à celle des anges. Le saint visitait fréquemment les uns et les autres, pour les instruire de la Parole de Dieu, corriger les égarements et encourager les frères à persévérer dans leurs combats. Il résidait habituellement au monastère de Pabau, où il vivait comme un simple moine, membre d’une « maison » et soumis à la discipline commune ; car, inébranlablement affermi sur le roc de l’humilité, il n’avait jamais eu la pensée qu’il était chef ou père des moines, mais seulement leur serviteur. En visite un jour à Tabennêsis, il s’assit pour le travail manuel et se laissa instruire par un enfant-moine qui lui reprochait de ne pas travailler correctement.

L’économe du grand monastère de Pabau était chargé de superviser l’administration matérielle de la Koinonia : il recueillait les objets fabriqués dans les monastères et les desservait dans tous leurs besoins. Deux fois l’an, les frères se réunissaient à Pabau, pour célébrer la fête de Pâques tous ensemble et, au mois d’août, après la récolte, les intendants remettaient leurs comptes, et l’on procédait à la nomination de nouveaux responsables. Lorsque Pacôme n’avait pas le loisir de se rendre dans un monastère, il envoyait son disciple le plus cher, Théodore [16 mai], ou adressait une lettre à l’économe, écrite dans un langage secret, que lui seul pouvait comprendre. Il avait toujours le visage grave et triste, car Dieu lui avait accordé de contempler en vision les tourments éternels réservés aux pécheurs et aux moines indignes de leur profession, et c’est pourquoi, chaque fois qu’il prenait la parole, il avertissait ses disciples sur le Jugement à venir. Un jour, un moine négligent vint à mourir. Le saint ordonna avec autorité de ne chanter ni office de funérailles ni d’offrir de sacrifice en sa mémoire, et il fit brûler ses vêtements, laissant tous les frères dans l’effroi pour leur correction. Pendant une famine, l’homme de Dieu resta à jeun et dit : « Moi non plus je ne mangerai pas aussi longtemps que mes frères auront faim et ne trouveront pas de pain à manger », appliquant ainsi la parole de l’Apôtre: Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui (1 Cor 12, 26).
La réputation de saint Pacôme s’étant répandue dans toute l’Égypte, il advint que certains mirent en doute son charisme de clairvoyance et ses révélations. Convoqué à Latopolis (en 345) devant une assemblée d’évêques qui le questionnèrent à ce sujet, Pacôme répondit que le Seigneur ne lui accordait pas constamment une telle grâce du discernement et de la clairvoyance des cœurs, mais seulement quand Il le voulait, pour l’édification de la Koinonia et le salut des âmes, dans la mesure de sa propre soumission à la volonté de Dieu. Il fut innocenté et, rendant grâce à Dieu, déclara, à propos de cette épreuve et du nouvel exil de saint Athanase : « Il nous faut soutenir toutes sortes d’épreuves, car cela ne nuit pas. »

Vers Pâques 346, une épidémie de peste se déclara dans la Koinonia et extermina plus de cent frères parmi les plus éminents. Le saint fut atteint à son tour, mais refusa tout traitement particulier. Bien que son corps fût affaibli à l’extrême, ses yeux étaient flamboyants. Il passa les premiers jours de la Grande Semaine à prier le Seigneur pour que l’unité de la Koinonia ne soit pas rompue après sa mort. Puis, réunissant les frères, il les prit à témoin que, durant toute sa vie, il ne leur avait rien caché et avait vécu comme l’un d’entre eux, se conduisant envers tous comme un serviteur et comme une nourrice qui réchauffe ses enfants. Il ajouta que les règles et traditions qu’il avait instituées pour eux sous l’inspiration du Seigneur, étaient la seule voie pour obtenir le repos de l’âme et le salut éternel. Vers la Pentecôte, il désigna Pétronios, qui avait été lui aussi atteint par la maladie, comme successeur, puis ordonna aux frères de cesser leurs larmes, car l’ordre lui était venu du Seigneur d’aller rejoindre le séjour des Pères. Il ordonna avec grande sévérité à Théodore d’aller ensevelir son corps dans un endroit secret, afin qu’on ne lui offrît pas de culte, et l’exhorta à prendre soin des frères négligents. Il remit son âme apostolique à Dieu le 9 mai 346, à l’âge de cinquante-quatre ans. À ce moment, l’endroit fut agité d’un tremblement de terre, un parfum céleste se dégagea, et plusieurs anciens virent des troupes d’anges escorter l’âme du saint jusqu’au lieu de son repos.

Lorsque saint Antoine le Grand apprit le décès de saint Pacôme, dans son désert lointain, il le loua comme un nouvel apôtre et fit les plus grands éloges de la vie cénobitique dont il avait été le fondateur. Répliquant à ceux qui lui disaient qu’il avait atteint une plus grande gloire dans la vie érémitique, il répondit que c’était par nécessité qu’il avait embrassé la vie solitaire, car il n’y avait pas alors de coenobium, et il ajouta : « Dans le Royaume des cieux, nous nous verrons l’un et l’autre, nous verrons tous les Pères et surtout notre Maître et notre Dieu Jésus-Christ. »

Après le décès de saint Pacôme, Pétronios gouverna la Koinonia seulement quelques jours, avant de remettre lui aussi son âme à Dieu. Abba Horsièse [15 juin] fut alors désigné pour veiller au respect des traditions et assurer, à l’exemple de Pacôme, le ministère de la parole. Mais, à la suite de la révolte d’Apollonios, supérieur du monastère de Monchôsis, Horsièse démissionna et désigna Théodore comme supérieur à sa place. Après la disparition des premiers disciples de saint Pacôme, les monastères de la Koinonia se développèrent grandement, tant en nombre qu’en biens matériels, mais cet éclat fut de courte durée et, après avoir été victimes de la décadence, ils furent ensuite emportés par les invasions des barbares. Les institutions, les règles écrites et surtout l’esprit du cénobitisme, dont Pacôme avait été le fondateur, furent néanmoins légués à l’Église comme la voie parfaite d’imitation de la communauté apostolique et comme une échelle dressée vers le Royaume des cieux.