Message de Père André concernant le début de la Semaine Sainte

Chers Frères et Soeurs,

Comme nous ne pouvons célébrer ensemble les étapes de notre salut durant cette Grande Semaine de la Passion, voici tout au moins quelques mots sur les thèmes liturgiques de ces jours-ci.

Dimanche dernier, l’Église a proposé de chanter à Vêpres les dernières hymnes de la fête des Rameaux, l’Entrée à Jérusalem, pour céder rapidement la place, vers la fin de l’office, à la progression du Christ vers sa Passion et sa Résurrection, où nous sommes invités à Le suivre. Le triomphe terrestre du Sauveur a duré peu de temps, mais Dieu a inauguré ce Royaume pour l’éternité. Nous expérimentons cette pérennité du Royaume de Dieu, dépourvu de toute manifestation extérieure, d’autant plus cette année dans nos conditions d’isolement. C’est en effet une occasion pour chacune et chacun, membres de l’Église, de découvrir, au-delà des rameaux matériels, que depuis notre baptême, le Royaume est « au-dedans » de nous (v. Luc, 17,21).

Les lectures proclamées et les hymnes chantées lors des célébrations du Grand Lundi nous invitent à suivre le Christ d’abord dans le secret de notre cœur, mais aussi en restant unis entre nous malgré nos différences, le plus souvent minimes par rapport au Christ qui nous réunit, et en ne recherchant pas entre nous la première place. Nous y parviendrons en demandant à Dieu de ne pas nous opposer entre nous, ni avec nos proches ou ceux que nous côtoyons, même en ce moment où nous rencontrons peu de monde. Et si quelqu’un est réduit à ne voir personne, pas même pour se procurer le strict nécessaire, il convient là aussi de rechercher au fond de soi-même cette attitude de non-jugement envers quiconque. Les célébrations liturgiques du jour évoquent le figuier desséché, maudit par le Christ pour n’avoir pas produit de fruit. Le Christ savait parfaitement que ce n’était pas la saison des figues, mais cette action divine est une mise en garde, reprise dans les hymnes, contre toute improductivité, en particulier le manque de charité envers Dieu et entre frères. Toute attitude de charité envers Dieu, tout mouvement intérieur vers Lui, surtout la prière, produira tôt ou tard ses fruits, souvent à notre propre insu pour nous éviter de nous enorgueillir. Ce même jour est évoquée aussi la mémoire du Patriarche Joseph : une fois vendu en Égypte comme esclave, il n’a pas été séduit par le péché, contrairement à Adam, et son attitude annonce celle du Christ. L’intercession, surtout, mais aussi l’exemple de Joseph montrent que l’humilité, c’est-à-dire ne pas vouloir être le premier, ni succomber au péché, lui ont fait obtenir la confiance du Pharaon et il a reçu de lui une importante responsabilité, celle de nourrir le peuple, sans qu’il ait spécialement recherché cela. De même le Christ enjoint à ses disciples de ne pas convoiter entre eux la première place, mais d’être serviteurs les uns des autres. A leur suite, il nous est demandé d’offrir à chacun ce qui lui est utile, en demandant à Dieu de le procurer, sachant que nous ne pouvons rien accomplir par nous-mêmes, sans le secours de Dieu.

Le Grand Mardi, la lecture et les hymnes du jour évoquent la parabole des Dix Vierges ; l’huile est comparée aux bonnes œuvres et à la prière, qui ne doivent pas nous manquer pour pouvoir être à même de rencontrer le Christ, Époux de chaque âme humaine. Prendre soin de soi-même, c’est aussi être vigilant et avoir conscience que d’une manière ou d’une autre, Dieu nous visite à chaque instant, tel l’Époux au milieu de la nuit, jusqu’au moment final où chaque être humain devra comparaître en jugement.

Le Grand Mercredi, ces exhortations ascétiques, destinées à nous apprendre à nous ranger en tous points du côté du Christ, ne sont pas absentes, mais cèdent un peu la place à des événements qui précèdent immédiatement la Passion. Ainsi l’onction faite au Christ par la pécheresse qui, par son repentir et son humilité, nous est proposée comme exemple, au contraire de ceux qui ont le projet d’arrêter et faire mourir Jésus, par jalousie extrême. Qu’il s’agisse de l’apôtre ayant trahi, ou des prêtres et scribes incrédules, qui refusent de confesser la divinité du Christ, cette opposition à Dieu les conduit à l’acte le plus odieux, auquel le Christ, tout en étant Dieu, va Se soumettre. Cette jalousie, qui a gagné les opposants humains à Dieu, vient de l’unique ennemi du genre humain, Satan qui est insatiable, cherchant à influencer quiconque accepte tant soit peu ses supercheries. A l’inverse, l’onction accomplie par la pécheresse repentie a aussi une valeur prophétique, puisque le Sauveur Lui-même déclare que ce geste annonce sa prochaine sépulture (Mt 26,12). Ces événements, ainsi que les diverses attitudes pour ou contre le Christ, sont commentés dans les chants du jour, pour inciter le chrétien à adopter à chaque instant de sa vie le bon choix, celui en faveur du Christ, non uniquement d’une manière verbale ou extérieure, mais pour que nous continuions nos efforts de lutte contre tout ce qui en nous s’oppose encore à Dieu. ll s’agit là d’un chemin de conversion qui nous est donné tout au long de notre parcours terrestre, mais comme nous ignorons, chacune et chacun, le moment et les circonstances où nous devrons quitter cette vie, cela doit nous inciter à une vigilance accrue, spécialement en ces moments de solennités pascales.

Plaçons-nous donc aux côtés du Christ, en nous mettant toujours plus au service les uns des autres, sans opposition, à la suite des apôtres, à la manière du Patriarche Joseph, des Vierges sages et de la Pécheresse repentie qui a pris conscience de la gravité de ses fautes, mais surtout de la miséricorde infinie de Dieu. C’est cette prise de conscience qui nous conduira peu à peu à accepter notre part de souffrance et nos croix personnelles, et à aimer Dieu toujours plus, pour finalement ressusciter avec le Christ vainqueur, avant d’être admis dans son Royaume qui n’a pas de fin.

Bonne Grande Semaine à vous tous, en ce Saint et Grand Mercredi,
+André Lossky.