Message de Père André concernant le Dimanche des Myrophores

Dimanche des Myrrhophores

En ce troisième dimanche de Pâques, après les événements fondateurs du salut du genre humain, l’Église nous propose de revenir un peu plus en détails sur les épisodes de la mise au Tombeau, puis de la découverte progressive de la Résurrection du Sauveur par les premiers témoins, et d’abord les femmes porteuses de parfums, les myrrhophores : après une première réaction d’effroi et d’incrédulité, celles-ci ont accepté, puis annoncé l’événement aux apôtres. Sont aussi commémorés Saint Joseph d’Arimathie et Saint Nicodème, deux disciples du Sauveur, qui ne faisaient pas partie du collège des Douze ; ils ont contribué de très près à rendre au Sauveur les derniers hommages funèbres.

Les femmes sont venues au Tombeau, juste après le sabbat, après avoir acheté et préparé des aromates pour un mort. Leur action, ainsi que l’aide apportée par Joseph et Nicodème, sont interprétées par Saint Jean Chrysostome comme des marques d’un profond attachement, d’un très grand amour envers le Christ. À ce moment, le Sauveur était encore considéré comme un mort, d’où le grand soin de cette mise au Tombeau, car personne ne croyait encore possible sa Résurrection.

En ce dimanche, les textes chantés insistent sur les paroles entendues par les femmes : « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts Celui qui est vivant ? Il est ressuscité, Il n’est pas ici » (Lc 24,5-6 et Marc 16,6), ou  :« Pourquoi pleures-tu ? » (Jean 20,13). Les récits en fin des quatre Évangiles rapportent d’abord diverses visites au Tombeau vide, puis des apparitions du Ressuscité à plusieurs personnes, en différents épisodes qui se complètent.

Comme lors du dimanche de Thomas, huit jours après la Résurrection, on peut voir ici que Dieu use d’une pédagogie adaptée à chaque personne, pour lui laisser peu à peu la possibilité de découvrir le fait inouï de sa Résurrrection. À la suite des premiers témoins, qui ont confessé la Résurrection, puis l’ont annoncée au monde entier, ce dont témoigne le livre des Actes des Apôtres, il nous convient de prendre au sérieux cette interrogation « pourquoi pleurer ? », car depuis la Résurrection du Sauveur, toute séparation est devenue provisoire. Notre seul motif de pleurer ou de s’attrister devrait être notre péché, mais celui-ci nous est pardonné par le Ressuscité, si nous le voulons. Pour cela, si nous nous savons pardonnés, à notre tour aussi « pardonnons tout par la Résurrection », selon le mot de Saint Grégoire le Théologien, repris dans les stichères de Pâques. La Résurrection est en effet une force et une source de pardon : personne n’en est exclu, sauf à vouloir persister à ne pas l’accepter.

De même, à la différence des gardes tombés comme frappés de mort, les anges annoncent aux femmes : « ne craignez pas ! » (Marc 16,6 et Mat. 28,5). La Résurrection est une force qui chasse toute tristesse, toute séparation, et aussi toute crainte. Face au grand découragement qui a été celui des premiers disciples lors de la mort du Sauveur, les femmes comme les hommes, les chrétiens de tous les temps ont été et sont encore soumis à des épreuves diverses, dont certaines sont inédites et surprenantes comme aujourd’hui, mais nous pouvons observer, à partir de la mémoire de ce dimanche, que le Sauveur Lui-même est allé au-devant de celles et ceux qui L’ont accompagné de très près, et qui d’abord ont eu du mal à admettre sa Résurrection. Mais une fois chassés les sentiments humains de tristesse et de crainte, le Ressuscité a pris le relais dans leur cœur et ils sont devenus des témoins et des prédicateurs, suivis par d’autres durant des générations.

À nous, chrétiens d’aujourd’hui, de poursuivre la réalisation de ce plan voulu par Dieu, de proclamer au monde entier la Résurrection et le salut, par notre vie plus que par de simples paroles. Cela se réalisera aussi en nous si nous demandons instamment l’intercession des premiers témoins que furent les femmes visitant le Tombeau : ainsi la force du Ressuscité agira concrètement pour chasser de notre cœur toute tristesse et toute crainte, au profit d’une attitude de plus en plus profonde de glorification de Dieu comme unique Sauveur.

Le Christ est ressuscité ! En vérité Il est ressuscité !

Petite note

En lien avec notre actuelle impossibilité de nous réunir liturgiquement et sacramentellement en un même lieu topographique, loin de nous l’idée d’affaiblir la force que représente le rassemblement eucharistique des chrétiens, ni son importance. Le même caractère central vaut d’ailleurs pour les autres actions sacramentelles comme le baptême, la confession ou l’onction des malades. Mais soyons assurés de la portée universelle de tout ce qui s’est accompli ou s’accomplit dans l’Église, et qui inclut d’une manière ou d’une autre toute personne absente, pourvu que celle-ci n’aie pas un désir mauvais de séparation intentionnelle par rapport Dieu et à l’Église. Un égarement, un péché involontaire, ou même volontaire sur le moment, peut être pardonné, dès l’instant qu’il est objet d’un repentir intérieur sincère. C’est d’ailleurs ce que nous demandons, entre autres, dans la prière du Seigneur, comme Lui-même nous l’a enseigné : « remets-nous nos dettes » (Mat. 6,12). Les dettes sont remises si le pécheur les regrette sans attendre la prochaine confession, laquelle viendra confirmer ou sceller ce repentir personnel indispensable et cette remise.

Ainsi, un empêchement géographique de nos rassemblements ne devrait pas nous scandaliser, car notre désir de Dieu, nos bonnes dispositions envers notre entourage et nos proches, qu’ils soient présents à nos côtés ou absents, et même vivants comme défunts, voilà ce qui fait que malgré toute forme d’éloignement, nous demeurons en communion. Les premiers chrétiens, comme en témoigne le livre des Actes des Apôtres, et d’ailleurs tout le Nouveau Testament, avaient un esprit de communion et d’unanimité, étant tous en un « commun accord » (Actes 1,14, 2,42s., 4,32 ou 5,12s., voir aussi les salutations adressées par Saint Paul aux chrétiens nommés à la fin de plusieurs de ses épîtres). Sans cet esprit d’unanimité autour de l’essentiel, un rassemblement liturgique, quand il a lieu, se trouve affaibli, et inversement, notre actuel éloignement géographique n’enlève rien à cet esprit de communion profonde. De cette situation de confinement, il est encore temps pour nous d’apprendre à acquérir une attitude de repentir, de regret sincère de nos manquements à la charité entre nous et envers Dieu. Quelles que soient l’échéance et les conditions de la sortie de cette situation, nous en sortirons transformés : faisons donc tout pour que cette transformation, véritable Pâque personnelle, s’opère au profit d’un rapprochement vers Dieu et entre nous. En notre 21e siècle aussi bien qu’aux temps des premiers chrétiens, c’est cet esprit de conversion et d’union qui peut et doit régner au sein de notre fraternité en Christ ressuscité.

Bonne Résurrection, à chaque instant de notre vie !