Message de Père André concernant le Saint et Grand Jeudi

Saint et Grand Jeudi

« J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec nous avant de souffrir, car Je vous le dis, Je ne la mangerai plus jusqu’à son accomplissement dans le Royaume des Cieux » (v. Luc 22,15-16). Ainsi, le Christ S’apprête à célébrer la Pâque, comme chaque année, avec ses disciples, en accomplissant un repas rituel juif de fête, observé par les familles pieuses, mais aussi, d’après ce que l’on sait, par certaines confréries rabbiniques. De l’extérieur, la communauté des Douze Apôtres réunis par le Christ pouvait être tenue comme un groupe de disciples autour d’un Sage, sans que soit confessée pour autant sa Divinité.

Mais en sa bonté infinie et divine, le Sauveur utilise ce repas pour lui donner un sens nouveau : Il donne son propre Corps à manger, ce qui est pour le moins inhabituel, voire inouï. Ce Repas est aussi la fondation de l’Église, puisque le Christ recommande à ses disciples, et à partir d’eux à nous chrétiens, de perpétuer ce Repas, car ce faisant « vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’Il vienne », comme le dit Saint Paul (I Cor 11,26) et Saint Basile ajoute « et vous confessez sa Résurrection ».

Ce Repas est unique, car comme nous l’enseigne Saint Jean Chrysostome, à chaque fois qu’une communauté d’une Église célèbre l’Eucharistie, depuis maintenant plus de 2000 ans, c’est à ce même Repas que participent les chrétiens de tous les lieux et de tous les temps, comme convives aux côtés du Sauveur entouré des Douze. Et nous aussi, nombreux actuellement à être privés de l’Eucharistie le jour même où est célébrée son institution, nous profitons pourtant de sa célébration là où c’est possible, puisque rappelons-le, chaque célébration eucharistique concerne non les seuls participants physiquement présents, mais autour d’eux, l’humanité entière. Contrairement aux apparences, nous n’en sommes donc pas privés, mais nous nous y joignons par des formes différentes, par notre prière les uns pour les autres, dans une attitude de paix intérieure et de vigilance à sauvegarder, et aussi en fréquentant les textes du jour, qu’il s’agisse des lectures bibliques ou des hymnes chantées lors des célébrations, commentant longuement l’institution de l’Eucharistie au soir de ce Grand jeudi, événement qui entre dans le plan du salut du genre humain.

Dans les Matines du jour, on trouve après la 6e ode du canon une notice, le synaxaire du jour, récapitule brièvement ce qui est commémoré aujourd’hui (rappel : le mot vient de « synaxe », ou assemblée, et « synaxaire » signifie d’abord le motif pour lequel l’Église se rassemble un jour donné) : le Lavement des pieds, la Cène qui révèle les Saints Mystères, c’est-à-dire l’Eucharistie, la prière du Sauveur à Gethsemané et la trahison de Judas. Ces quatre événements sont rapportés dans les Évangiles. Le Lavement des pieds est étroitement associé, dans la Liturgie, au Repas eucharistique, les deux récits étant inclus dans une lecture unique de l’Évangile à Vêpres, comme pour montrer que la réception du Précieux Corps et du Précieux Sang du Sauveur nous conduit aussi à être au service les uns des autres, comme le Christ l’est pour tous. Les hymnes insistent sur le sens de ce Repas offert par le Maître, et sur le service mutuel qui en découle.

Sachons bien que tout chrétien ayant participé dans sa vie à l’Eucharistie en reçoit une force permanente, qui peut agir même longtemps après. Il n’est certes pas recommandé de se priver volontairement trop longtemps de la participation eucharistique, mais puisque les circonstances empêchent aujourd’hui cette participation, notre adhésion intérieure, notre fidélité au Christ, font qu’Il nous envoie son Secours par des moyens qu’il connaît, et qui peuvent être différents pour chacun.

La même réalité vaut même pour les quelques personnes qui ont pris la décision d’entrer dans l’Église par le baptême : en attendant qu’il soit possible de le célébrer, la vie de l’Église profite aussi aux actuels catéchumènes, d’une manière non manifeste, mais réelle.

Dans nos actuelles conditions d’isolement, tenons bon et persévérons dans la prière, soyons tous assurés que Dieu ne nous abandonne pas. Dans l’une des hymnes chantées à Matines et reprises à Vêpres en ce Grand Jeudi, commentant les écrits évangéliques, le Sauveur recommande à ses amis la vigilance et leur déclare, tout comme à nous : « Qu’aucune crainte ne vous sépare de Moi, ce que Je souffre, c’est pour le monde ». C’est cette adhésion intérieure au Christ Sauveur qui fera que tôt ou tard, d’une manière encore mystérieuse et cachée, nous participerons aussi à son triomphe sur toute forme de mort, et prendrons part à sa Résurrection.

Bon Grand Jeudi,

+André L.