Message de Père André – Dimanche de l’Aveugle-né

Le Christ est ressuscité !

Dimanche de l’Aveugle-né

« Ni lui n’a péché, ni ses parents, mais c’est afin que soit manifestée en lui l’œuvre de Dieu » (Jean 5,3). Avant d’effetuer un geste qui rendra la vue à l’aveugle de naissance, le Sauveur explique à ses disciples qu’Il accomplit ainsi les œuvres de Celui qui L’a envoyé, le Père, et ceci tant qu’il fait jour, car la nuit plus personne ne peut œuvrer (v. 5,4). Les Pères interprètent cette nuit comme l’absence de Dieu soit dans le monde, soit dans nos cœurs.

L’œuvre de Dieu, ici, est plus qu’une guérison ou restauration, et celle-ci concerne plus que la seule vue corporelle accordée à l’aveugle de naissance. On sait d’après le récit que le Sauveur, contrairement à d’autres guérisons par sa seule Parole, qui est créatrice, emploie ici des gestes : Il fait de la boue avec sa propre salive, pour l’appliquer sur les yeux de l’aveugle, et Il accomplit cela le jour du sabbat. Ce sont là deux indices, relevés par Saint Jean Chrysostome, pour montrer que cette guérison parachève la création originelle, qui s’est arrêtée après le sixième jour, au moment où il est écrit dans la Genèse que Dieu Se reposa de son œuvre (2,3).

Cette guérison est ainsi une recréation, qui grâce à la Résurrection du Sauveur est proposée à toute personne humaine qui accepte de Le suivre. La suite du récit montre une forte opposition des Juifs et des Pharisiens, et autres incrédules ; ils vont jusqu’à interroger les parents de l’aveugle guéri. C’est en raison de cette opposition, de cette incrédulité, que le Sauveur dissimule par des signes son oeuvre de création et restauration. Selon Saint Jean Chrysostome encore, le Christ n’a pas voulu déclarer ouvertement : « C’est Moi qui ai façonné l’être humain avec de la boue », pour ne pas heurter encore davantage ceux qui à ce moment ne croyaient pas en Lui comme Dieu et comme Créateur. Mais l’utilisation, pour cette guérison, d’une boue qu’Il fabrique Lui-même, la même que celle ayant servi à créer l’homme, cela constitue une allusion au fait que le Christ Guérisseur est aussi le Créateur de toutes choses. Cette guérison est donc une recréation, un parachèvement de la création relatée au début de la Genèse. Et comme le montre la fin de l’épisode, le Christ rencontre à nouveau celui qu’Il a guéri et lui demande s’il croit au Fils de Dieu (v. Jean 9,38). La véritable guérison ne concerne pas en effet les seuls yeux corporels, mais notre relation avec Dieu : dans tous les aspects de notre vie, plus nous confesserons ou reconnaîtrons Le Christ comme Dieu, comme l’a fait l’aveugle guéri, et plus Dieu interviendra jusque dans notre quotidien et transformera en profondeur notre vision intérieure, pour que de plus en plus nous puissions accomplir sa volonté, Le remercier pour tout et Le glorifier ensemble avec son Père co-éternel et son Saint Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen.

En vérité le Christ est ressuscité !

Sens corporels et vision spirituelle

Plusieurs des récits de guérison rapportés par l’Évangéliste Jean montrent que l’action du Sauveur envers les malades ne concerne pas seulement l’extérieur, ni s’agissant de l’aveugle-né, de la privation d’une vue corporelle. C’est ainsi que cet épisode est interprété par certaines hymnes liturgiques du jour, par exemple : « Seigneur, mes yeux spirituels sont aveuglés par les ténèbres du péché, mais illumine-les en me conduisant vers l’humilité… » (Matines, strophe appelée exapostilaire). Plus que les yeux corporels, c’est notre vision de Dieu qui est restaurée, car comme l’enseignent plusieurs Pères anciens, l’être humain est aussi doté par le Créateur de sens spirituels, dont souvent nous ne connaissons pas l’existence, aveuglés que nous sommes par l’opacité de la matière et par notre péché qui nous éloigne de Dieu.

Les hymnes liturgiques de ce Dimanche de l’Aveugle-né insistent sur la privation de vue des yeux du corps, mais aussi de l’âme, et la guérison ici opérée est celle des yeux spirituels, ce qui permet à l’ancien aveugle de confesser la divinité de son Guérisseur. C’est donc une double guérison ; celle-ci montre l’existence des sens spirituels que nous avons à découvrir. C’est par ces sens intérieurs que l’être humain peut, au-delà d’une sensation physique ou d’une représentation intellectuelle, véritablement percevoir et accueillir Dieu, car telle est la véritable guérison.

Ainsi l’écrit Saint Marc le Moine (5e s.) : « Mon enfant, si tu veux acquérir à l’intime de toi-même une lampe personnelle diffusant la lumière spirituelle de la science, don de l’Esprit, tu pourras marcher sans trébucher dans la profonde nuit de ce siècle, le Seigneur te fera cheminer en sécurité, afin que tu aies la ferme volonté de suivre la voie de l’Évangile (…), devenir participant des souffrances du Seigneur par le désir et la prière. » (Traités spirituels et théologiquesÀ Nicolas, 12) (on trouvera d’autres citations des Pères sur les sens spirituels dans l’opuscule du Père Placide Deseille : L’union à Dieu et la prière, Monastère Saint-Antoine-le-Grand, 2001).

Cette guérison permet d’avoir une correcte vision intérieure de Dieu, empêchant la personne croyante de trébucher non plus contre les obstacles physiques ou matériels, mais contre les erreurs et contre tout ce qui empêche de cheminer vers Dieu, ce qui est la vocation de toute créature humaine.

24 mai 2020

Lectures de ce dimanche : http://toulouse-orthodoxe.com/dimanche-24-mai-de-l-aveugle-ne/