Message de Père André – Fête de la Mi-Pentecôte

Mercredi de la Mi-Pentecôte

Ce jour est à égal intervalle de temps entre Pâques et Pentecôte, ce que relèvent certaines des hymnes proposées dans le livre liturgique du Pentecostaire. La festivité n’est pas aussi solennelle que par exemple les grandes fêtes du Seigneur ou de sa Mère, mais elle reçoit double illumination de Pâques et de Pentecôte. Son message doctrinal est essentiel et central, concernant la Personne du Christ. La Mi-Pentecôte ne célèbre pas un événement particulier, mais associe plusieurs épisodes pour nous montrer Qui est le Christ. Ainsi, l’icône de la fête montre le Christ enseignant les docteurs juifs, au nombre de six, tandis que pour la Pentecôte il y aura douze apôtres, et ces docteurs s’étonnent de la grande instruction du Christ (v. Luc 2,46-47). Cet événement est utilisé comme témoignage du fait que le Christ, même devenu homme, et ici adolescent en son humanité, n’en demeure pas moins le Fils et Verbe de Dieu de toute éternité, la Seconde Personne de la Sainte Trinité.

La lecture évangélique du jour montre également le Christ enseignant dans le Temple, cette fois à l’âge adulte, « au milieu de la fête » (Jn 7,14). De même les juifs, en plus grand nombre que les docteurs, s’étonnent de son savoir, alors qu’Il est supposé sans instruction en raison de ses origines familiales humaines. Mais le Christ insiste sur sa relation éternelle avec Celui Qui L’a envoyé, le Père, dont Il transmet l’enseignement. Ce milieu d’une fête juive, durant laquelle le Christ enseigne, est placé ici par la tradition liturgique de l’Église en relation avec l’événement attendu de la Pentecôte, où Se révélera la Sainte Trinité en plénitude. L’enseignement du Christ rencontre des réactions brusques, personne de la foule n’osant se déclarer avec Lui, par crainte des oppositions des prêtres et des scribes. Le Personnage Jésus est connu en son humanité, mais d’autre part, quand Il Se déclare envoyé par son Père, cette affirmation de sa divinité se heurte à une opposition qui caractérise de nombreux épisodes évangéliques, particulièrement relevés par Saint Jean en plusieurs passages de son Évangile. Selon une interprétation patristique, reconnaître le Christ comme Dieu n’était pas facile pour les contemporains qui Le savaient humainement issu d’un lieu peu réputé, certains disant : « Lui, nous savons d’où il est, tandis que le Christ, à sa venue, personne ne saura d’où il est » (7,27).

Pour les chrétiens d’aujourd’hui, cette reconnaissance passe par une prise de conscience qui dépasse une simple affirmation formelle de sa divinité : plus qu’une adhésion mentale, cette reconnaissance, selon Saint Jean Chrysostome, dépend aussi de notre amour envers autrui et de notre partage avec les pauvres. Au-delà d’une simple conviction, voilà qui  fera que toujours plus nous Le reconnaîtrons comme vrai Dieu et en même temps vrai homme, et à travers tous ces épisodes mouvementés où le Christ rencontre beaucoup d’oppositions, nous pourrons Le confesser comme Dieu de toute éternité, quel que soit son âge humain, et partageant même honneur avec le Père et l’Esprit Saint, maintenant et toujours et pour les siècles des siècles. Amen.

Le Christ est ressuscité ! En vérité Il est ressuscité !

La période pascale

Dans les premiers temps de l’Église, la période de Pentecôte était caractérisée par un intervalle de fête ininterrompue, sans différence, entre Pâques et cinquante jours après. Plus tard, le mot Pentecôte a pris un sens non plus de Cinquantaine (comme période), mais de Cinquantième (jour), pour désigner la fête que nous connaissons aujourd’hui sous ce nom. Un des indices de fête continue est que pour exprimer notre Résurrection à la suite de celle du Christ, durant ces cinquante jours il n’est pas d’usage de se mettre à genoux. Notre attitude corporelle participe ainsi à notre vocation, comme chrétiens, d’être dès maintenant des ressuscités. Cette règle simple est énoncée notamment par Saint Irénée de Lyon (2e siècle), reprise par Saint Basile le Grand (4e siècle), puis par de nombreux autres Pères. De cette absence d’agenouillement prescrite par une tradition ancienne, je peux tirer un enseignement pour aujourd’hui : les métanies ou inclinations, petites ou grandes, ne se font pas n’importe quand durant l’office à l’église, mais à certains moments précis (comme par exemple lors de la prière pénitentielle de Saint Ephrem le Syrien en Carême). Accomplir des gestes corporels de prière sous le coup d’une émotion, fût-elle religieuse, peut m’amener à préférer mon propre sentiment intérieur à ce que prescrit la prière de l’Eglise, et que j’ai tout intérêt à suivre, justement pour mieux susciter en moi un élan de repentir. Cette période festive de cinquante jours ne nous dispense pas, certes, d’avoir en nous-mêmes des sentiments de repentir et de regret de nos fautes, mais si nous les exprimons corporellement et publiquement hors de propos, nous risquons de mettre en doute la miséricorde divine, et finalement de tomber dans un découragement, comme si Dieu voulait retenir nos fautes. Mais cette période particulière est avant tout une occasion pour les chrétiens de découvrir que par sa Résurrection, le Sauveur nous introduit dans son Royaume et nous offre le pardon de toutes nos fautes, si graves soient-elles (v. par ex. Is 1,18).

Cette période festive s’est peu à peu différenciée, d’abord avec l’octave de Pâques, soit les huit jours entre Pâques et le dimanche suivant de Saint Thomas, huit jours qui liturgiquement sont comme des dimanches. L’origine de cette pratique était l’Eucharistie quotidienne à laquelle venaient notamment les nouveaux baptisés à Pâques, et ils recevaient une catéchèse dite mystagogique, car l’évêque leur expliquait alors le sens des sacrements auxquels ils venaient de participer. Et le dimanche de Thomas, ils venaient une dernière fois en robe baptismale blanche, qu’ils retiraient ensuite. Telle était la pratique au 4e siècle à Jérusalem, selon les descriptions que nous connaissons. À cette époque, le cinquantième jour célébrait à la fois la Pentecôte et l’Ascension, en une festivité liturgique chargée, car les chrétiens se rendaient au lieu présumé où est descendu l’Esprit Saint sur les Apôtres, puis l’après–midi une procession se dirigeait vers le Mont des Oliviers pour y commémorer l’Ascension.

Peu après le 4e siècle, l’Église a effectué un rapprochement plus précis entre les célébrations liturgiques et les sources bibliques, où le jour mentionné pour l’Ascension est le quarantième après Pâques, ce à quoi correspond la pratique actuelle et qui a donné lieu à une fête distincte le cinquantième jour, celui-ci plus réservé à la Pentecôte comme fête de la descente de l’Esprit Saint sur les Apôtres réunis, événement final qui marque à la fois la fin de l’œuvre de Dieu pour notre salut, et le début de l’Église, lieu où se manifeste sans cesse notre salut.

Ainsi on est passé peu à peu d’une célébration indifférenciée de tout le mystère du salut, par l’Eucharistie qui le récapitule, vers des célébrations de fêtes plus spécifiques, détaillant davantage telle ou telle étape de l’œuvre accomplie par Dieu pour sauver le genre humain : la Résurrection du Christ, puis son Ascension au ciel, puis la Descente de l’Esprit Saint le jour de la Pentecôte. Ce qui reste vrai de tout temps, par-delà les différentes célébrations, est le lien entre tous ces événements et l’accès (passage, Pâque) du chrétien au ciel, un chemin inauguré par le Christ et sans cesse actualisé par l’Esprit Saint, pour permettre à toutes les générations d’y prendre part. Il est important pour les chrétiens d’aujourd’hui de saisir, pour chacune des grandes fêtes, son lien avec le mystère fondamental de notre Résurrection qui déjà se réalise peu à peu par l’amour que nous portons envers le Christ et ses commandements. Ces différentes fêtes mettent chacune l’accent sur un aspect particulier de notre salut, toujours en relation avec Pâques, la Fête des fêtes qui éclaire toute l’année et toute notre vie.

Bonne Résurrection, et bon cheminement vers son accomplissement par la Pentecôte !