Message de Père André sur le Dimanche de Thomas & note catéchétique

Le Christ est ressuscité ! En vérité Il est ressuscité !
Quelques mots autour de l’Évangile de ce dimanche.
Huit jours après le dimanche, jour de sa Résurrection, le Christ apparaît donc une deuxième fois, d’après l’Évangéliste Jean, aux apôtres réunis et enfermés en un même lieu. Lors de la première apparition, le jour même de Pâques, l’apôtre Thomas était absent. Notre répartition des lectures de l’Évangile suit pour ces deux dimanches la chronologie du récit.
Quel que soit le motif de l’absence de Thomas au moment de la première apparition, le Sauveur utilise cette circonstance pour confirmer la foi de l’apôtre. D’après Saint Jean Chrysostome, dans ses homélies sur le 4e Évangile, il y a dans cette double apparition une pédagogie divine, car l’incrédulité de Thomas lui provient non de sa remise en cause de la parole des autres disciples, lorsqu’ils lui déclarent « nous avons vu le Seigneur », mais plutôt du caractère inouï, tellement inconcevable, du fait même de la Résurrection. C’est ainsi que Thomas, pour s’en convaincre, ne veut pas seulement voir, mais aussi toucher, comme le dit le texte : « Si je ne mets pas le doigt dans la marque des clous… ».
D’après d’autres récits des Évangiles, certains disciples ont cru en voyant dans le Tombeau vide les linges laissés par le Sauveur, d’autres en entendant l’annonce des anges, et d’autres autrement. Le Christ ne Se manifeste ou n’apparaît jamais fortuitement, mais adopte avec chaque personne une pédagogie différenciée, pour nous laisser découvrir sa Résurrection, de façon à ce qu’elle devienne peu à peu en nous une certitude. Et plus chacun, à l’exemple de Thomas, acceptera la Résurrection du Sauveur, plus il en deviendra un témoin dans tous les aspects de sa vie.
Ici, le Sauveur va vraiment au-devant des questions de Thomas, et aussi de nos propres doutes. Avant même que Thomas ne dise quoi que ce soit, Jésus lui déclare : « Avance ton doigt… ». Car le Ressuscité est apparu portant la marque réelle de ses blessures de la Croix, et Il demande aussi de la nourriture, pour bien montrer que sa Résurrection n’est pas une apparence. Thomas confesse le Ressuscité : « Mon Seigneur et mon Dieu ! », une exclamation pleine d’amour et de reconnaissance envers Celui qui était allé au-devant de son hésitation.
Cet encouragement du Sauveur face à l’incrédulité d’un apôtre concerne également tout ce qui subsiste encore en nous d’incrédule, et que nous pouvons dominer non par nos propres efforts, mais en demandant pour cela le secours divin. Selon un principe traditionnel, rappelé par de nombreux Pères anciens et plus récents, ce que nous n’avons pas, nous pouvons toujours le demander instamment au Seigneur, par la prière, et c’est accordé si c’est profitable à notre salut. Ici, demander la foi fera aussi grandir en nous l’amour que nous éprouvons, si peu que ce soit, envers Dieu, car quand on aime une personne, on souhaite mieux la connaitre, de manière à lui être agréable. Si cela s’applique à nos proches, à notre entourage, c’est d’autant plus vrai envers Dieu, notre Créateur.
Connaître Dieu, L’aimer davantage : le geste de toucher le Christ permet à Thomas de percevoir en profondeur le mystère de Dieu devenu homme, ayant souffert, puis S’étant montré, par la Résurrection, Vainqueur de toute souffrance. Ce geste de toucher nous sert d’exemple, car comme le Christ a invité Thomas à Le toucher, ce que peut-être l’apôtre n’aurait pas osé faire avant que le Sauveur ne le lui demande en insistant, Dieu nous demande aussi d’apprendre à plus Le connaître, autant qu’il est possible, par tous les moyens. Car plus nous aimerons Dieu, plus aussi nous désirerons Le connaître, et plus aussi Dieu Se révèlera à chacune de ses créatures humaines, auxquelles Il a conféré comme vocation d’être uni à Lui pour Le glorifier sans fin comme Père et Fils et Saint-Esprit, maintenant et toujours et pour les siècles des siècles. Amen.

Note catéchétique

Nous avons déjà eu l’occasion d’insister, un dimanche à la fin de la Divine Liturgie, sur le lien profond entre la Liturgie de la Parole (ou des catéchumènes), moment où est proclamé, et si possible commenté, un passage de l’Évangile, et l’Eucharistie, ou Liturgie des Fidèles, dont la fréquentation, comme son nom l’indique, est réservée aux seuls baptisés. Le Christ Se donne en nourriture : cette réception nous unit à Dieu, et comme nous formons un seul Corps, nous sommes aussi réunis entre nous. Mais comme l’enseignent les Saints Pères (en l’occurrence S. Jean Chrysostome), il y a un lien profond entre la nourriture eucharistique et ce qui précède dans la célébration, soit la réception de la Parole de Dieu, qui à sa manière nous nourrit aussi.

Les conditions particulières dans lesquelles nous nous trouvons actuellement, sans pouvoir participer à l’Eucharistie, ne sauraient, rappelons-le, être confondues avec un abandon de la part de Dieu, car Dieu S’est engagé une fois pour toutes à sauver l’être humain. Sans minimiser l’importance de l’Eucharistie, son absence actuelle nous amène à renforcer notre fréquentation de la Parole de Dieu, où nous pouvons puiser aussi une nourriture divine. Il ne s’agit pas de remplacer l’Eucharistie par de la simple lecture, mais de faire de cette privation, et de nos conditions d’isolement, une occasion de prendre conscience du fait que la Parole de Dieu est créatrice et que tout contact avec elle, y compirs la  lecture, nous transforme et nous rapproche de Dieu.

Dans cette période entre Pâques et Pentecôte, d’après les calendriers liturgiques, l’Église nous propose une lecture presque intégrale des Actes des Apôtres et de l’Évangile selon Saint Jean. On peut voir ainsi que le jour même de Pâques, la lecture de l’Épître est le tout debut des Actes, et celle de l’Évangile, le début de ce que l’on appelle le prologue de Jean. En ce dimanche de Thomas, en revanche, on ne suit plus l’ordre du texte, mais les passages sont choisis pour commémorer la deuxième apparition du Ressuscité.

Il vaut la peine de savoir, ou rappeler, que du temps des Pères anciens, dont beaucoup étaient des évêques, et par conséquent des prédicateurs, les passages pour ces lectures liturgiques étaient choisis par eux en fonction de ce qu’ils souhaitaient communiquer dans leur prédication. C’était des époques où il n’y avait pas, comme aujourd’hui, de calendriers précisant des lectures pour chaque jour. Mais il y avait déjà quelques pratiques, moins détaillées qu’aujourd’hui, de répartitions de lectures. Ainsi, Saint Jean Chrysostome, dans ses premières homélies sur les Actes des Apôtres, nous apprend que ce livre était déjà lu liturgiquement à son époque (fin du 4e siècle), entre Pâques et Pentecôte, et il propose une explication à ce choix : dans les Actes des Apôtres, on découvre le récit de nombreux miracles (guérisons, délivrances) en relation avec la Résurrection du Sauveur ; de même, les quelques discours, surtout des apôtres Pierre ou Paul, rapportés dans ce livre, insistent fortement sur la Résurrection, comme objet de leur prédication. Ainsi, Saint Jean Chrysostome interprète les Actes comme un témoignage en faveur de la Résurrection du Sauveur, et même si les événements racontés se sont passés après la Pentecôte, leur lecture juste après Pâques a sa place, en relation avec le fait de la Résurrection, car ce qui est relaté dans les Actes est à considérer comme une conséquence directe de la Résurrection.

Le jour de Pâques, le passage choisi des Actes parle de l’intervalle entre la Résurrection et l’Ascension du Sauveur, soit une période de 40 jours au cours desquels le Sauveur est apparu plusieurs fois à divers groupes de personnes, et non seulement aux onze apôtres, « parlant avec eux de ce qui concerne le Royaume de Dieu » (Actes 1,3). C’est dans cette période que nous nous trouvons actuellement, et le chant très fréquent du tropaire pascal rappelle cette présence du Ressuscité parmi ses amis, à nos côtés. L’Évangile de Jean fait l’objet d’une lecture suivie les jours de semaine, avec des passages choisis pour les dimanches, plus spécialement en relation avec la Résurrection et ses conséquences.

Cette répartition des passages montre qu’en proposant des lectures tirées des Évangiles et des Épîtres, l’Église en sa liturgie opère des choix, mais pour bien comprendre le sens des extraits choisis, il nous sera profitable de lire aussi les écrits en leur entier, sans nous limiter aux seuls morceaux entendus les dimanches. Dans l’Écriture, il n’y a pas de passages moins importants que d’autres, et les choix liturgiques ne sont pas faits en fonction d’une quelconque hiérarchie de passages sélectionnés au détriment d’autres. Mais il appartient à chaque personne chrétienne de se plonger, en fonction de ses possibilités et de ses forces, dans l’Écriture Sainte, les Évangiles et tout le Nouveau Testament, mais aussi l’Ancien Testament. Cette lecture se fera dans la foi, car la Bible nous permet de mieux connaître Dieu, de savoir comment Il S’est révélé d’abord à un peuple choisi, puis à partir de là, à l’humanité entière. Plus une personne chrétienne lira et relira la Bible, plus elle saura comment se comporter vis-à-vis de Dieu, en imitant les bons exemples, et en découvrant à partir des mauvais exemples à quel point Dieu est patient et miséricordieux envers nos fautes. Fréquenter l’Écriture Sainte avec foi, au-delà d’une simple découverte de curiosité intellectuelle, est une force qui nous rapproche de Dieu, car Dieu est présent aussi dans sa Parole.