Note de Père André sur la période et la fête de Noël

Note sur la période et la fête de Noël

À l’approche de la fête de la Nativité du Christ, quels que soient les calendriers, voici quelques indications liturgiques sur la période que Dieu nous accorde de vivre. Ces remarques sont très sommaires par rapport à l’immense richesse du Mystère de l’Incarnation de notre Sauveur, accomplie uniquement par amour pour sa créature, sans autre but que d’élever le genre humain, c’est-à-dire nous tous, à une vie imprégnée de la nature divine. L’Incarnation a en effet consisté, pour le Fils et Verbe de Dieu de toute éternité, à assumer la totalité de notre nature humaine, hormis le péché (selon Hb 4,15), de manière à offrir à quiconque de nous le désire et l’accepte une participation à la nature divine (II P 1,4), ou dit autrement : devenir enfants de Dieu (Jn 1,12), non par nature comme le Christ, mais par adoption (Rom 8,15). L’expérience de la vie des saints dans l’Église montre que cette participation, pour autant que nous le voulons, est réelle : tout être humain, s’il accepte ce projet de Dieu, peut se trouver, dès sa vie sur cette terre, et quelles qu’en soient les difficultés, imprégné et pénétré de la nature divine. C’est ce qui a permis à l’Apôtre Paul, suivi par bien d’autres, de déclarer : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Gal 2,20).

Dieu nous accorde d’être maintenant avec nous sur cette terre : tel est le sens du mot « Noël », abréviation du mot hébreu Emmanuel, devenu un prénom qui signifie « Dieu avec nous » (Mt 1,23 ; cf. Is 7,14). On appelle aussi parfois cette fête la Pâque hivernale. À l’immensité de ce don de Dieu l’Église a répondu en plaçant la fête de Noël à un moment astronomique où les jours sont les plus courts et les plus sombres, c’est la période de l’année où la lumière physique est la plus basse : à partir de ce moment les jours recommencent à croître. L’antiquité romaine pré-chrétienne connaissait une fête qui célébrait le soleil comme vainqueur sur les ténèbres, et c’est à ce moment-là, à quelques jours près, que les Pères chrétiens ont choisi de célébrer le Christ, Soleil de justice (Mal 3,20 ; expression reprise dans les hymnes liturgiques de la fête). En S’incarnant, le Christ nous accorde la véritable Lumière, celle d’une vraie connaissance de Dieu.
Il vaut la peine également d’indiquer ici brièvement quelques éléments liturgiques, à savoir le choix des lectures bibliques durant cette période ; des détails en seront communiqués plus tard, lorsque nous allons célébrer la fête de la Nativité du Sauveur dans notre paroisse. Ainsi, déjà le dimanche avant Noël (13 ou 27 décembre) est consacré à la mémoire des Ancêtres historiques du Sauveur. Les lectures choisies pour ce jour concernent d’une part la Manifestation du Sauveur (Col 3,4-11), un thème qui vise autant la fête de la Nativité du Sauveur que celle de la Théophanie, première manifestation de Dieu comme Trinité, au moment où le Sauveur descend dans le fleuve Jourdain. On peut rappeler au passage que dans l’Antiquité chrétienne, Nativité et Théophanie ne formaient qu’une seule fête, avant que chacune ne se spécialise vers des thèmes plus différenciés. D’autre part, l’Évangile de ce jour (Lc14,14-24+Mt 22,14) relate la parabole du festin auquel nous convie le Maître. Ce choix montre le but de l’Incarnation qui approche : le Christ veut nous compter parmi ses amis et nous rassembler, nous les humains, autour d’un banquet, celui de son Royaume où règne une joie sans fin. Ce banquet est préparé et anticipé par la Liturgie eucharistique, célébration où Dieu Se donne, Se propose Lui-même en nourriture. Sans développer davantage ce thème, on peut remarquer que lors de la Nativité, le Christ Nouveau-Né est enveloppé de langes qui annoncent déjà les bandelettes de sa future Mise au Tombeau après la Croix, et qu’Il est couché dans une mangeoire, une crèche (Lc 2,7), car Il va Se donner en nourriture à ses amis (cf. entre autres : Jn 15,14-15). Être les amis du Christ, participer au banquet auquel Dieu nous convie et accepter que Dieu Se donne à nous en nourriture, voilà ce à quoi nous sommes invités et qui est rendu possible par l’Incarnation annoncée du Sauveur.

Le samedi avant Noël, l’Épître du jour (Gal 3,8-12) nous prépare à accueillir le Sauveur en nous rappelant que c’est la foi qui justifie l’homme, et non les seuls préceptes de la Loi ancienne. Et la lecture évangélique de la parabole du levain (Lc 13,19-29) exprime l’action du Sauveur dans le monde : sa venue sur terre sera on ne peut plus discrète, dans des conditions humainement fragiles et pauvres, mais cette présence de Dieu parmi les humains entraîne une transformation de l’humanité. La force de la nature divine, entièrement présente dans la Personne du Christ, contraste avec cette pauvreté humaine. Peu à peu, l’Enfant Dieu va grandir, puis guérir, prêcher et manifester sa Divinité parmi les humains, au point de susciter plus tard au sein de l’humanité glorifiée la fondation d’Églises qui toutes ont pour vocation de préparer le Royaume dont il est question dans cette parabole. Une interprétation patristique de ce passage lui propose un sens eucharistique : lorsque des chrétiens reçoivent ensemble le Corps et le Sang du Christ, Dieu agit en eux comme un levain. Ils sont transformés de l’intérieur pour constituer de plus en plus un seul Corps, car ils reçoivent une force qui les rassemble au-delà de toute division humaine. Cette force agit donc dans les cœurs comme un levain en toute petite quantité, mais qui fait monter vers Dieu toute la pâte de l’humanité (cf. S. Cyrille d’Alexandrie, Comm. s. Jn, livre IV, ch. 2).

Le dimanche avant Noël (20 décembre ou 2 janvier), appelé aussi celui de la Généalogie, on fait mémoire des Ancêtres du Seigneur, auxquels cette fois on associe les prophètes et tous les justes de l’Ancien Testament. L’Épître du jour (Hb 11,9-10 ; 32-40) fait l’éloge de la foi des justes, des Pères qui dans l’Ancien Testament ont persévéré dans l’attente et la préparation de la venue du Sauveur. C’est leur foi qui leur a permis d’endurer de nombreuses épreuves. La lecture évangélique (Mt 1,1-25) énumère ces justes de génération en génération, depuis Abraham jusqu’à Joseph, père légal du Sauveur. Tous parmi eux n’étaient pas parfaits, mais malgré leurs péchés, Dieu les a fait participer à cette attente qui préparait finalement un tout petit reste du peuple élu, représentant de toute l’humanité, à accueillir le Sauveur incarné. La suite des récits évangéliques sera lue la veille et le jour de la fête : on y verra le Christ acclamé par les anges qui avertissent les bergers. Ceux-ci viennent L’adorer, Le reconnaître comme Dieu et Sauveur, comme le font aussi les Mages informés par l’étoile et arrivés de loin.

Il nous appartient, ces jours-ci, loin des tentations de ce monde, de méditer et relire ces textes et d’autres, notamment les prophéties qui annoncent le Sauveur, de manière à laisser une place de plus en plus grande dans notre cœur à cette joie immense de la venue du Sauveur parmi nous, pour obéir toujours plus à notre vocation qui est de Le louer et Le glorifier comme Dieu, ensemble avec son Père éternel et son Esprit très saint, maintenant et dans les siècles.