Message de Père André – le Grand et Saint Samedi

Chers Frères et Sœurs,

Dans l’attente de pouvoir nous réunir dans les murs de l’église pour célébrer de nouveau ensemble, faisons tous le maximum de ce que nous pouvons pour nous rapprocher de Dieu et du salut qu’Il nous offre en ce temps béni des solennités pascales : soyons assurés que même dans notre situation d’isolement, Dieu ne nous abandonne pas. Efforçons-nous de partager par quelques mots les richesses auxquelles Dieu nous a donné de participer, à savoir la Croix et la Résurrection du Christ, actes divins opérés pour notre salut, et dont les circonstances sont annoncées et consignées dans les Livres Saints, les Évangiles, mais aussi tout le reste de la Bible. Ce Mystère de notre salut est largement évoqué dans les hymnes et chants contenus dans les livres liturgiques utilisés en ce moment dans nos églises, et qu’il nous sera très utile d’apprendre à connaître, de préférence en une langue qui nous est familière.

Après le procès tumultueux, la condamnation et la crucifixion, le Christ repose au Tombeau et ceux qui ne reconnaissent pas sa Divinité, mais Le prennent encore pour un brigand, éprouvent le besoin de placer une garde pour se protéger de toute supercherie, selon ce que rapporte l’Évangéliste Matthieu (v. 27,62-66), passage lu à la fin des Matines de ce Grand Samedi. Cet office est appelé l’Ensevelissement du Seigneur (Pogrebenie Gospodne) ; sa célébration est souvent anticipée au Vendredi soir, ou dans la nuit. Parmi de nombreuses autres richesses, ces Matines servent de modèle pour la célébration des funérailles des fidèles. En particulier, l’utilisation du Psaume 118, qui loue la fidélité aux commandements divins, s’applique ici en premier lieu au Christ, le Juste et le Fidèle par excellence, car Il a accompli jusqu’au bout, jusqu’à sa Mort, la volonté du Père, mais en réalité celle des trois Personnes de la Trinité, en vue du salut du genre humain. Entre les Trois règne en effet et circule un amour tellement parfait qu’il serait inimaginable d’envisager un moindre désaccord. Ce Psaume 118 est l’éloge du Juste, et à la suite du Christ, on peut l’appliquer à toute personne humaine n’ayant pas renié le Christ au cours de sa vie terrestre. Notre fidélité à Dieu suit celle du Christ à son Père.

Le Sauveur a donc accompli son œuvre, sa vie terrestre a pris fin. Ce repos du Sabbat est comparé dans les chants du jour au 7e après les 6 jours de la création, détaillés au tout début de la Genèse où il est écrit que Dieu S’est reposé de son œuvre de création (Gen. 2,2-3). Mais ce repos n’est par pour autant un arrêt de l’activité divine, puisque le Christ Sauveur, dont le Corps repose au Tombeau, descend aux enfers avec son âme, pour en arracher les captifs, anéantir la puissance du Démon et faire participer les humains à sa Résurrection. C’est ce que commente ou évoque longuement cette célébration de l’Ensevelissement, où ce Samedi est qualifié de « Sabbat béni entre tous », puisqu’en ce jour Dieu mène à son terme le sabbat de la Genèse. Le salut du genre humain est une nouvelle création, à présent accomplie : à nous d’en profiter. L’office se termine par trois lectures bibliques annonçant, chacune à sa manière, la Résurrection universelle. Ce jour, le Grand Samedi, est un jour de repos où nous contemplons le Sauveur endormi, avant sa Résurrection qui surviendra dans la nuit, événement dont personne n’a été témoin. Repos et attente vigilante : tel est le trait dominant de ce Grand Samedi, où déjà est annoncée, de manière encore voilée, la Résurrection.

Ce samedi soir, l’office des Vêpres, comprenant notamment 15 lectures de l’Ancien Testament et se prolongeant par la Divine Liturgie de Saint Basile, est ce que l’on appelle la première Liturgie pascale. Car même si en plusieurs lieux on a pris l’habitude de l’anticiper dans la matinée du samedi, et même si la veille et le jeûne ne sont pas encore rompus, on consomme déjà un peu de vin, on organise une lecture des Actes des Apôtres, dans l’attente des Matines triomphales de Pâques, normalement suivies, là où c’est possible, de la Liturgie de Saint Jean Chrysostome. Dans nos conditions actuelles, attendre soit le moment de la Résurrection, soit la prochaine Divine Liturgie, revient à se rapprocher de notre Sauveur et à se préparer à Le rencontrer personnellement, selon des modalités propres à chacun. Mais c’est aussi une responsabilité des chrétiens face au monde ambiant, car notre devoir est d’être des témoins, par notre vigilance, du fait que ce monde aura une fin, et qu’il fera place à la Venue finale du Christ en gloire. Puissions-nous ne pas désespérer, mais témoigner du fait que contre toute apparence, Dieu n’a pas aboli son projet, en son amour infini, de sauver le genre humain.

Bonne attente de la Résurrection prochaine,
+André Lossky.