Samedi 23 avril 2022 : message de Père André pour les solennités pascales 2022

Solennités pascales 2022

Le Christ, peu avant son arrestation, a pris soin de réunir ceux qu’Il appelle ses amis, les douze apôtres, autour d’un repas festif à l’occasion de la Pâque juive (ou un peu avant selon d’autres interprétations). C’est ce que l’Église célèbre le Saint et Grand Jeudi, d’abord aux Matines, puis aux Vêpres de ce jour, suivies de la Divine Liturgie de Saint Basile. C’est une fête de l’Eucharistie, instituée ce jour-là.

Au cours de ce dernier repas, qui fait mémoire de la délivrance du peuple élu de Dieu lors de la sortie d’Égypte, le Christ apporte un élément fondamentalement nouveau en déclarant: « Faites ceci en mémoire de Moi » (Lc 22,19), c’est-à-dire non plus de la sortie d’Égypte, mais de l’œuvre accomplie par le Christ Lui-même. Le Sauveur propose du pain et du vin, mais désigne ces nourritures par des paroles inouïes, que seul Dieu peut prononcer: « Ceci est mon Corps… », puis: « Ceci est mon Sang… »(Mt 26,26,27). Cette réalité est difficile à admettre par un esprit trop rationnel, et selon des commentaires des Pères, les disciples n’ont pas compris de quoi il s’agit, mais ils ont fait confiance à leur Maître. Accepter qu’une nourriture matérielle, que nous recevons lors de la Divine Liturgie, soit réellement le Corps et le Sang du Sauveur, cela constitue un acte de foi, que nous déclarons à chaque communion eucharistique. Mais participer comme nous le faisons aux Saints Mystères ne se limite pas simplement à recevoir une nourriture spirituelle destinée à sanctifier chaque personne croyante. Ceci est un aspect de l’Eucharistie qui est juste, mais qui n’épuise pas ce grand Mystère. Notre participation eucharistique nous fait aussi constituer ensemble le nouveau peuple de Dieu, car ce repas est le même que celui survenu voici plus de 2000 ans, et c’est aussi le même que celui qui réunira toute l’humanité à la fin des temps, quand se manifestera le Christ en gloire. Dans ce Royaume sera admise toute personne qui accepte la toute-puissance du Christ. Lorsque le Christ parle de ce repas comme d’un mémorial, c’est pour nous faire communier à toute l’œuvre de salut, accomplie par Lui pour délivrer non plus un peuple d’une tyrannie égyptienne, mais l’humanité entière que Dieu va délivrer de l’emprise de Satan et de la mort. C’est cette œuvre de salut qui va être détaillée au cours des jours suivants de ces solennités pascales.

Le Grand Vendredi est un jour où l’Eucharistie n’est pas célébrée. Les offices du jour sont consacrés aux Saintes Souffrances du Christ, avec la lecture, aux Matines souvent anticipées au jeudi soir, de douze passages des Évangiles racontant les dernières étapes, depuis l’arrestation jusqu’à la mise au Tombeau. Cette série de lectures est proche d’une pratique décrite à Jérusalem au 4e siècle. En chaque endroit où s’est produit un événement de la Passion, on lisait le passage correspondant dans les Évangiles, en alternance avec des psaumes et des hymnes. Cette célébration, aujourd’hui aussi, permet de suivre pas à pas les étapes de l’arrestation du Sauveur, puis du procès, de la condamnation à mort, de la crucifixion, puis de la Mort salutaire du Sauveur, avant sa mise au Tombeau. Les Grandes Heures, dites aussi royales, et les Vêpres de ce Grand Vendredi reprennent encore les mêmes événements, ce qui permet non seulement de suivre le Christ comme si nous étions des spectateurs, mais comme amis de Dieu, avec les Apôtres et les femmes, et de véritablement communier aux Saintes Souffrances de Dieu devenu homme. Ses Souffrances nous procurent le salut. Grâce à une fréquentation des textes tels que Psaumes annonçant le Christ, prophéties, lectures évangéliques, et aussi les chants commentant les événements, nous pouvons découvrir à quel point le salut de l’humanité est voulu par Dieu en son amour infini. Les célébrations byzantines actuelles ont conservé d’une manière fidèle le déroulement décrit à Jérusalem au 4e siècle. Lors des Vêpres, la procession du Tombeau (Epitaphios, Plastchanitsa) n’est pas une simple figuration, mais les chants, les déplacements et les gestes font de nous des témoins de l’événement, comme on porterait en terre un ami.

Le Grand Samedi, les Matines, souvent anticipées au vendredi soir, sont une véritable veillée funèbre du Sauveur, avec notamment le chant du Psaume 118, éloge d’un homme irréprochable par excellence, le Christ, car Il a observé les commandements divins jusqu’au bout. Les versets de ce long Psaume sont entrecoupés de strophes qui évoquent par des images la descente du Sauveur aux enfers, sa victoire sur Satan, la délivrance des prisonniers, avec déjà des allusions brèves, mais claires, à la Résurrection attendue.

Enfin, le même Grand Samedi, l’Eucharistie est placée après Vêpres, et liturgiquement c’est déjà dimanche. Cette célébration est à la fois pascale et baptismale, comme le montre le choix des lectures de l’Ancien Testament. Pour chaque personne chrétienne, le baptême est le début de sa résurrection personnelle, d’une mort au péché (Rom 6,11) et aux attraits de la vie ancienne ; cette résurrection personnelle est un combat qui dure tout le temps de notre cheminement terrestre. Même si cette célébration des Vêpres, avec les 15, puis 2 lectures, suivies de la Liturgie de Saint Basile, est souvent anticipée au samedi matin, c’est la Liturgie pascale par excellence. Il était autrefois d’usage de rester ensuite dans l’église, d’y prendre une collation et d’écouter la lecture des Actes des Apôtres, dans l’attente de la nuit. C’est alors le moment des Matines pascales, suivies de la Divine Liturgie de Saint Jean Chrysostome. Cette double Eucharistie pascale provient aussi de l’usage ancien de Jérusalem, où l’on célébrait la vigile pascale devant la Croix au Golgotha, puis on se déplaçait jusqu’au Saint Sépulcre où l’on célébrait à nouveau l’Eucharistie.

Plus tard, les Matines pascales se sont enrichies du fameux canon pascal, attribué à Saint Jean Damascène (8e s.). Ce poème triomphant reprend les thèmes liés à la Résurrection et développés dans les homélies des Pères de l’Église. On y trouve ainsi des allusions brèves, mais denses, au passage de la Mer Rouge (Ex 15), préfigurant notre passage à la vie, à Jonas préservé de la mort dans le monstre marin, aux Trois Adolescents vainqueurs des flammes, et de même les fidèles ne sont pas vaincus par la mort, grâce à la Résurrection du Christ ; il y est aussi question des visites des femmes au Tombeau trouvé vide, et du sacrifice parfait du Christ, véritable Agneau sans défaut. Ce canon pascal proclame aussi notre participation à ce grand mystère de notre salut par la Résurrection : « Hier j’étais crucifié avec Toi, ô Christ ! Aujourd’hui je suis relevé avec Toi, ressuscité » (3e ode).

Même s’il est impossible de participer à l’ensemble de ces solennités qui conduisent à la Fête des fêtes, notre fréquentation des textes chacun chez soi, de préférence en une langue accessible, mais aussi la préparation de l’église, la décoration et la vénération du Tombeau, tout cela prépare notre rencontre avec le Sauveur ressuscité, présent dans l’assemblée où nous recevons son Corps et son Sang glorifiés, et les Pères affirment que notre participation eucharistique est un gage de notre Résurrection qui commence déjà.

Bonne et sainte Résurrection !